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Au même instant, une des fenêtres de la salle à manger s’ouvrit brusquement et un individu sauta du rez-de-chaussée dans le jardin.

M. de Serville fit feu, mais le fuyard, sans doute, n’avait pas été atteint, car le jeune homme l’entendit traverser le parterre.

Réveillés par le coup de feu, les domestiques étaient accourus.

Ils s’élancèrent dans le parc, d’où vint bientôt le bruit d’une lutte, puis les cris :

— Nous le tenons, le gredin !

Armand vit aussitôt arriver, se débattant entre les mains du jardinier et du cocher, Justin qui répétait :

— Laissez-moi, laissez-moi, je vous en conjure ; je ne suis pas un voleur !

À leur stupéfaction, les gens de Mme de Serville venaient de reconnaître le fils de l’instituteur, et comme, pendant les quelques mois qu’il était resté au château, Delon n’avait pas su se faire aimer, ils le jugeaient de bonne prise.

Quant à M. de Serville, qui ne connaissait de Justin que sa mauvaise réputation, sa présence ne lui produisit qu’un médiocre étonnement.

— Que se passe-t-il donc ? demanda à ce moment Mme de Serville, que ce vacarme avait réveillée et qui était descendue.

Son fils lui dit ce dont il s’agissait.

— Oh ! le malheureux ! fit-elle avec autant de compassion que de terreur.

— Madame, je vous en supplie, écoutez-moi, gémit Justin, en entendant la voix de la châtelaine.

Celle-ci fit charitablement un pas en avant.

— Non, ma mère, non, lui dit Armand en l’arrêtant respectueusement, pas de pitié pour lui ! Ce serait d’un trop mauvais exemple.

Et il ordonna à un des domestiques :

— Allez prévenir le brigadier de gendarmerie.

Se tournant ensuite vers ceux de ses gens qui maintenaient toujours le prisonnier, il ajouta :

— Vous autres, ne le laissez pas s’enfuir !

Justin, morne, désespéré, les yeux hagards, ne cessait de répéter :

— Mon Dieu ! mon Dieu !

Tout à coup la femme de chambre, qui avait accompagné sa maîtresse, jeta un cri.

En entrant dans la salle à manger, cette fille avait vu que l’un des buffets était ouvert, et elle avait constaté d’un coup d’œil que le panier où l’on serrait l’argenterie était à moitié vide.

— Fouillez-le ! s’écria-t-elle ; il a volé des couverts d’argent.

Comprenant, à cette horrible accusation, tout ce que sa situation avait d’épou-