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Fismoise, billet par lequel celui-ci annonçait à son maître qu’il ne devait plus compter sur lui, et enfin les deux lignes suivantes de Mme de Fressantel :


« Monsieur, je sais quelle lâche infamie vous aviez projetée de complicité avec votre domestique. Sans le secours d’une amie dévouée, je serais devenue votre victime.

« Je quitte Paris, en espérant de ne plus jamais vous rencontrer. »


— Ah ! le misérable ! s’écria Gaston en déchirant ces lettres avec colère. Ne sachant comment tenir sa promesse, il m’a trahi ! Cette fois, tout espoir est bien perdu ! Que faire ? Que devenir ? Eh bien ! tant pis. Moi aussi, comme du Charmil, je vais me jeter dans la mêlée. Peut-être y trouverai-je la balle que j’aurais dû depuis longtemps me loger dans la tête.

Et fou, désespéré, laissant là ses bagages, le baron sortit brusquement de chez lui pour rejoindre son ami au ministère de la Justice, dont il était devenu un des hauts fonctionnaires.

À la même heure à peu près, une discussion des plus violentes avait lieu, Grande-Rue, aux Batignolles, entre la Fismoise et son neveu.

Celui-ci était arrivé chez elle avant huit heures pour l’empêcher de se rendre à la gare du Nord, ainsi qu’elle devait le faire selon ce qui était convenu entre eux.

Il ignorait que sa tante, informée, avec force détails, par les gens du quartier, de l’exécution sommaire qui avait eu lieu la veille sur le boulevard extérieur, avait immédiatement reconnu son frère dans le fusillé, et que, prise d’une véritable épouvante, car elle craignait qu’on ne l’accusât d’être le complice du traître, elle avait tenté de se réfugier chez sa sœur, la comtesse Iwacheff, rue de Monceau.

Mais là, Jeanne, toujours en proie à une exaltation touchant à la folie, l’avait à peine reconnue, et, ne répondant à toutes ses questions que par les noms murmurés avec effroi de Justin, du docteur, d’Armand, de Pierre et de Louis, elle l’avait brutalement chassée.

Mise au courant de ce qui s’était passé vingt-quatre heures auparavant par les gens de l’hôtel, Françoise s’était alors enfuie pour retourner aux Batignolles, et, comme, en y arrivant, elle trouva Louis, elle s’écria :

— C’est toi, canaille, qui es cause de tout le mal ! Ton oncle, furieux, a maltraité sa… la comtesse Iwacheff ; il a voulu se venger sur elle du mauvais tour que tu lui as joué dans l’affaire des lettres ; il l’a maltraitée, volée. Et lui, on l’a fusillé hier soir.

— Ah bah ! fit le vaurien avec un mouvement de surprise admirablement joué. Pourquoi donc ?

— On a trouvé sur lui, dit-on, des papiers adressés à un général de Versailles et un tas de bijoux avec des billets de Banque. Il avait pris tout ça rue de Monceau. Alors, on l’a collé au mur comme un traître. Sans toi, Pierre n’aurait pas tué Sarah, ni volé ta mère !

— Comment, ma mère ?

— Oui, mauvais chenapan, ta mère, la comtesse Iwacheff, ma sœur ! Je t’avais bien dit que cela te porterait malheur de parler d’elle comme tu l’as fait.

Un instant abasourdi par cette révélation, Louis revint bientôt à son caractère de cynique gavroche, et il répondit :