Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/553

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Moi-même, répondit-il, flatté de ce « monsieur ».

— Le docteur vous attend.

— À ses ordres.

Et, emboîtant le pas à l’inconnu, il disparut avec lui sous la voûte de l’une des portes latérales de la maison.

L’endroit n’était d’ailleurs ni sombre ni mystérieux. C’était tout simplement le passage qui menait de la rue aux communs, et Louis, supposant que le docteur désirait qu’il ne fût vu de personne, suivait son guide sans la moindre hésitation.

Celui-ci le conduisit ainsi jusqu’à un escalier de service et, de là, au premier étage, où il lui fit prendre un long couloir, traverser deux ou trois pièces luxueusement meublées, puis l’introduisit dans un élégant boudoir, en lui disant :

— Attendez ici, je vais prévenir monsieur.

Le neveu de la Fismoise remarqua seulement alors que le personnage auquel il avait affaire était un grand diable bien découplé, quoique fort maigre, et d’une physionomie triste et sévère.

Il n’eut pas le loisir de l’examiner davantage, car celui qu’il prenait pour un des serviteurs du médecin américain sortit aussitôt en fermant la porte à clef derrière lui.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? ne put-il s’empêcher de murmurer, — il aimait à se rendre compte de toutes choses. — Bah ! le docteur ne veut pas sans doute qu’on entre ici avant lui. Voyons un peu cependant.

Et il s’approcha d’une fenêtre, pour tenter de découvrir dans quelle partie de l’hôtel il se trouvait.

Mais il venait à peine de soulever le rideau qu’il entendit la porte se rouvrir. Il se retourna vivement pour ne pas être surpris en flagrant délit d’inspection.

À son étonnement, il aperçut devant lui, au lieu du docteur Harris, une jolie personne dont le regard incisif le fit tressaillir. Il lui semblait avoir déjà rencontré ces yeux-là. Mais où et comment ? Il ne pouvait s’en souvenir.

Le même personnage qui l’avait introduit dans le boudoir était revenu avec cette étrangère, et il se tenait debout, près de la porte fermée.

Le valet de chambre de M. de Fressantel eut immédiatement le pressentiment qu’il allait lui arriver quelque chose de fâcheux.

— Vous ne me reconnaissez pas ? lui demanda jeune femme, qui était Marie Dutan.

— Non, madame, répondit-il fort troublé, car il avait déjà entendu, il en était certain, la voix de celle qui lui parlait.

— Eh bien ! moi, je vous reconnais, vous êtes le faux Jean-Marie Kervan, le voleur des lettres de maître Petrus, et vous êtes aujourd’hui au service de M. de Fressantel.