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— Je n’en sais rien. Quelque mission ! Il a un air tout mystérieux. Je voulais le faire dîner avec moi, il a refusé. Un de ses amis l’attendait. Reste ici, tu le verras !

— Bien obligé, je n’y tiens pas du tout, et c’est justement parce que je ne veux pas le rencontrer que j’arrive droit à mon affaire, afin de filer le plus vite possible. Voulez-vous gagner trois mille francs ?

— Trois mille francs ! Certainement.

— Et ça, sans faire du mal à une mouche. Il ne s’agit que d’une petite promenade à la gare du Nord, côté du départ, demain, à huit heures et demie du matin. Sans compter que, du même coup, vous assurerez le paiement des vingt-cinq mille francs que vous avez prêtés à M. de Fressantel.

— Ah ! bah ! Qu’est-ce que M. de Fressantel fait dans tout cela ?

— Ce qu’il fait ! Rien encore, mais, moi, je veux lui faire épouser sa jolie tante, qui a cent mille livres de rente.

— Il faut, pour arriver à ce résultat, que j’aille à la gare du Nord ? Je n’y comprends rien du tout.

— Vous allez saisir, mon aimable tante. Jusqu’à présent, Mme de Fressantel a envoyé promener son neveu ; mais, grâce à moi, elle l’appellera bientôt son sauveur, en lui offrant son cœur, sa main et sa fortune. Cela tout simplement parce que demain matin, je vous confierai une jolie fillette de quinze à dix-huit mois que j’aurai enlevée à Mme de Fressantel ; fillette dont vous prendrez le plus grand soin, que vous cacherez à la campagne, et que nous remettrons à la maman lorsque mon honoré maître, M. Gaston de Fressantel, aura informé sa tante qu’il a retrouvé sa fille au péril de sa vie. Hein ! qu’en dites-vous ?

— Je dis que tu es un malin. Et qu’est-ce qui me donnera les trois mille francs ?

— Moi, parbleu !

— Alors, c’est qu’on l’en donnera, à toi, dix fois autant.

— J’ai là, dans mon portefeuille, un bel et bon engagement de M. de Fressantel. Ainsi, c’est entendu : demain matin, à huit heures et demie, gare du Nord, côté du départ. Ayez une voiture dans la cour pour filer rondement avec le bébé.

— C’est entendu.

— À propos, vous savez que mon bel oncle a fait des siennes !

— Quoi donc ?

— Il a tout simplement tué Mme Sarah Bernier ; vous savez, la jolie femme qui est venue un soir vous proposer l’affaire des lettres.

— Ce n’est pas possible !

— C’est si possible qu’elle est morte d’une balle qu’il lui a envoyée en pleine