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nent de douces et modestes jeunes filles. Vous êtes toute jeune encore, vous êtes belle ; elles vous aimeront, j’en suis certaine ; mais pas trop, n’est-ce pas ? Qu’elles ne m’oublient pas auprès de vous !

— Oh ! madame, fit Mlle Reboul, avec un geste plein de charme.

En prononçant ses dernières phrases, la malade avait sonné et la femme de chambre qui s’était présentée avait reçu l’ordre de faire venir les enfants.

Les fillettes, qui savaient qu’il était question de leur donner une nouvelle institutrice et que cela tout naturellement inquiétait fort, étaient aux aguets.

Elles accoururent toutes deux aussitôt se jeter dans les bras de leur mère, qui les couvrit de baisers pour cacher les larmes que faisait couler de ses yeux l’abdication si douloureuse à laquelle il lui fallait bien se résoudre.

— Ma chère Louise, ma chère Berthe, leur dit-elle, après une tendre et convulsive étreinte, en les poussant doucement vers la jeune fille, voici la personne dont je vous ai parlé ce matin ; c’est elle qui va prendre soin de vous. Il faudra lui obéir comme à moi-même. Si vous êtes sages, elle vous aimera bien.

— Moi, je vous aime déjà, s’écria Louise, avec la spontanéité de son caractère plein d’entrain et en sautant sur les genoux de Jeanne, qui l’embrassa.

— Elle est bien plus jolie que Mme Blanchard, dit à demi-voix Berthe, qui était restée près de sa mère.

Mme Blanchard était l’institutrice qu’allait remplacer la nouvelle venue.

— Et vous, mademoiselle Berthe, dit Jeanne, est-ce que je vous fais peur ? Est-ce que vous ne voulez pas m’embrasser ? Voyons, venez.

L’enfant se blottit contre sa mère, sans répondre.

Mlle Reboul mit alors Louise à terre et, se penchant vers Berthe, elle lui demanda d’une voix si tendre, avec un si doux regard : « Vous ne m’aimerez donc pas ? » que, subitement vaincue, la fillette lui sauta dans les bras.

Mme de Ferney en éprouva comme un mouvement de jalousie.

La résistance de sa petite fille avait flatté les fibres les plus intimes de son cœur maternel ; mais elle n’applaudit pas moins au gracieux mouvement de l’enfant et reprit :

— Là, maintenant que la connaissance est faite, conduisez votre amie dans la chambre qu’elle doit occuper : celle qui est auprès de la vôtre.

Elle ajouta, en s’adressant à Mlle Reboul :

— C’est pour bien peu de temps, car je crois que le jour de notre départ n’est pas éloigné. Mon mari vient de recevoir la nouvelle officielle de sa nomination à la cour de Paris. Je vous avoue que je quitterai volontiers ce pays, dont le climat est pour beaucoup dans mes souffrances.

Louise avait pris sa nouvelle institutrice par la main et elle l’entraînait. Sa sœur ne voulut pas rester en arrière et les rejoignit.

La jeune fille se laissait conduire avec une bonne grâce charmante.

Mme de Ferney les suivait des yeux et, au moment où la porte allait se refermer sur celle qui faisait dès à présent partie de la famille, elle dit en levant au ciel ses yeux humides :

— Qu’elle est jeune et belle ! Pourvu que mes enfants n’aillent pas l’aimer plus que moi !