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— Je vous demande pardon, madame, dit gracieusement Marie, en refusant du geste le fauteuil que Mme de Fressantel lui offrait ; je n’ai qu’un simple renseignement à réclamer de votre obligeance.

— Je serais trop heureuse, mademoiselle, d’être agréable à Mme de Rennepont et à vous-même, répondit Mathilde. De quoi s’agit-il ?

— Ma question va vous sembler bien étrange, à cause même de sa simplicité : Mme de Rennepont désirerait savoir si vous avez à Paris un parent portant le même nom que vous.

— Oui, parfaitement, fit la jeune femme assez intriguée : M. Gaston de Fressantel, mon neveu.

— Où demeure-t-il, je vous prie ? Oh ! ne craignez rien pour votre parent ; il ne s’agit que de lui demander ce qu’est devenu un de ses amis dont le sort préoccupe la générale.

Marie Dutan avait un trop complet sentiment des convenances pour vouloir instruire Mme de Fressantel des relations que son neveu avait eues avec Sarah Bernier ; elle ne voulait pas même prononcer ce nom.

— M. de Fressantel demeure rue du Helder, 6.

— Pensez-vous qu’il soit chez lui en ce moment ?

— Je le crois, car nous devons quitter Paris demain. Comme moi, il fait ses préparatifs de départ. Si vous étiez venue quelques instants plus tôt, vous auriez rencontré ici Louis, son valet de chambre, qui vous eût plus exactement renseignée.

— Louis, dites-vous, madame ?

— Oui, Louis.

Ce qui surprenait Marie, c’était que le valet de chambre de M. de Fressantel, l’amant de Sarah Bernier, portât un des noms que la Louve, l’amie de la morte, répétait dans sa folie.

Il lui semblait que, pas à pas, elle retrouvait les anneaux de cette chaîne mystérieuse dont on enveloppait Mme de Rennepont et qu’elle les reliait les uns aux autres. Mais comme elle ne voulait pas que la jeune veuve pût se douter du curieux travail qui se faisait dans son esprit, elle s’empressa de lui répondre :

— Enfin, qu’importe ! Il ne me reste plus qu’à vous remercier et à vous réitérer toutes mes excuses.

Ces mots prononcés, Marie Dutan prit congé de Mme de Fressantel et remonta en voiture, en donnant à son cocher l’ordre de la conduire rue du Helder.

Arrivée là, elle baissa son voile de dentelle, voile si épais qu’il était presque un masque, sauta à terre et demanda au concierge si le baron était chez lui.

— Je l’ignore, répondit cet homme ; si madame veut monter au premier, le valet de chambre y est.