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Bien convaincue maintenant que le docteur Harris n’était pas étranger aux malheurs qui accablaient ses amis, elle était décidée à le démasquer.

Le récit des scènes terribles qui s’étaient passées rue de Monceau glaça d’épouvante Mme de Rennepont. En apprenant l’arrestation de M. de Serville, elle se mit à fondre en larmes et se pensa perdue.

Ce n’était pas seulement l’ami dévoué qu’on lui avait enlevé, c’était aussi le protecteur sur lequel elle comptait, et cette séparation avait lieu juste au moment où elle se disposait à quitter Paris, car elle ne s’y croyait plus en sûreté.

Le peintre lui avait fait comprendre que si les fédérés apprenaient qu’elle était la femme de l’un des généraux appelés à les combattre, ils seraient pour elle sans pitié. Il l’avait ainsi décidée à aller rejoindre son mari.

Partir maintenant ne lui était plus possible ; elle ne voulait pas même, au prix de sa vie, abandonner Armand à ceux qui avaient osé le jeter en prison sans même avoir l’ombre d’un prétexte à invoquer.

M. de Serville, en effet, était loin d’être un homme politique, à quelque titre que ce fût.

Tout entier à son art, il n’avait jamais songé à se mettre en avant. Donnant à ses confrères, moins connus que lui, une leçon de bon sens et de modestie, il était resté loin de toutes les manifestations. Il avait horreur de la réclame et du bruit. Plein de dignité et de respect pour lui-même, il n’admettait pas qu’un artiste se fit un marchepied de son nom pour arriver à des fonctions publiques, afin de se faire ensuite un levier de ces mêmes fonctions dans le but d’augmenter le prix de ses œuvres.

Il n’était enfin d’aucun parti. Ses opinions pouvaient se résumer ainsi : l’amour du beau ! On ne lui connaissait pas d’ennemis. Son arrestation ne pouvait donc pas avoir une cause politique.

Voilà ce que Mme de Rennepont, en proie au plus violent désespoir, déclara tout d’abord à Marie Dutan.

— Tant mieux ! dit la jeune fille en s’efforçant de rendre quelque courage à son amie, tant mieux ! Moins le champ sera vaste, plus nos recherches seront faciles. Il me paraît certain que le vol de vos lettres n’est qu’une vengeance toute personnelle, et que M. de Serville n’a été arrêté que pour vous priver de son aide.

— Pauvre Armand ! soupira Fernande, j’en suis bien convaincue.

— Cependant, poursuivit Marie, je ne crois pas qu’il s’agisse là d’une simple vengeance de femme. Je parierais que ce n’est pas Mme Bernier qui a eu l’idée de cette infamie. Il est possible qu’on ait excité sa jalousie, sa haine, tous ses mauvais sentiments enfin ; mais dans quel but ? C’est ce qu’il faudrait savoir ! Où est le général ?

— Il est à Versailles et doit prendre le commandement, s’il ne l’a pas déjà pris, d’une des divisions destinées à opérer contre l’insurrection.

— Oh ! alors, je crois que je comprends tout !