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et votre conduite est inqualifiable. Dois-je envoyer chercher la police pour vous faire sortir ?

— La police ! mais si elle entrait ici, ce serait pour vous reconduire à Saint-Lazare, vous et votre complice ; car c’est bien certainement d’accord, Sarah et vous, que vous avez voulu me faire assassiner.

— Vous êtes fou !

Malheureusement pour elle, en prononçant ces paroles, Jeanne n’avait pu s’empêcher de pâlir, et cette émotion, si fugitive qu’elle eût été, n’avait pas échappé à son ancien amant.

— Vous voyez bien que je ne me trompe pas, reprit-il. Voyons, où est Mlle Bernier ?

Mais la comtesse ne lui répondit qu’en jetant un cri d’effroi, et Armand lui rendit la liberté, surpris lui-même par ce qui se passait sous ses yeux.

La cour de l’hôtel venait d’être subitement envahie par une vingtaine de gardes nationaux du plus sinistre aspect.

Ils étaient commandés par un étrange et hideux personnage qui, après avoir ordonné à six de ses hommes de le suivre et aux autres de garder les issues, s’était dirigé vers l’escalier conduisant au vestibule, où M. de Serville se trouvait avec la maîtresse de la maison.

Instinctivement le peintre arma son revolver pour faire face aux assaillants ; mais, en s’apercevant que Jeanne se réfugiait dans un salon dont sa domestique lui avait ouvert la porte, il s’élança sur ses traces et se trouva tout à coup devant Sarah.

Celle-ci était pâle et tremblante : elle avait reconnu la voix d’Armand et savait quel compte terrible il venait lui demander.

— Ah ! je vous rencontre enfin, s’écria le jeune homme, en se précipitant vers elle ; cette fois vous ne m’échapperez pas ! Où sont les lettres que vous m’avez volées en me faisant assassiner ?

La comédienne, épouvantée, allait peut-être répondre, lorsque la porte du salon vola en éclats pour livrer passage aux communards.

— Pierre ! murmura la Louve d’une voix étouffée, en reconnaissant l’homme qui les commandait.

Sans réfléchir que M. de Serville était lui-même un ennemi, elle s’en était rapprochée comme pour se mettre sous sa protection.

L’artiste, en effet, n’écoutant plus que ses instincts généreux, oubliant l’œuvre personnelle qu’il poursuivait, avait mis en joue l’officier des fédérés.

Il le menaçait de tirer sur lui s’il avançait d’un seul pas.

— De quoi ! hurla le frère de la Fismoise, car c’était lui-même que le comité central avait immédiatement fait capitaine, parce qu’il avait cru que le forçat,