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Mais lorsqu’il parvint rue de la Pépinière, il n’y avait déjà plus personne.

Le concierge lui apprit que Mme Bernier était partie depuis plus d’une heure avec ses bagages. Seulement, comme cet homme avait entendu dire à la femme de chambre que sa maîtresse devait prendre la comtesse Iwacheff chez elle, il ajouta qu’il était bien possible qu’elle y fût encore.

Armand ordonna aussitôt à son cocher de le conduire à bride abattue rue de Monceau.

Cinq minutes après, il sonnait à la porte de l’hôtel, et comme on ne répondait pas à ce premier appel, il sonna une seconde fois, avec tant de violence qu’on se décida à ouvrir.

Un petit omnibus attelé attendait, dans la cour.

La maîtresse de la maison n’était donc pas partie ; c’est tout ce que le peintre voulait savoir.

Aussi, sans s’inquiéter du concierge et de ses questions, s’élança-t-il sur le perron de l’hôtel et, de là, au premier étage.

La première personne qu’il rencontra en haut de l’escalier fut la comtesse elle-même.

— Sarah est chez vous ? lui dit-il brusquement. Je veux la voir !

— Mais pardon, monsieur, répondit Jeanne avec un mouvement de surprise et d’effroi, car elle avait immédiatement reconnu M. de Serville ; que signifie cette façon de s’introduire chez les gens ?

— Je sais que Sarah est ici et qu’elle doit, partir avec vous ce matin. Or, il faut que je lui parle avant son départ.

En disant ces mots, l’artiste s’efforçait de rester maître de lui, car il avait saisi au passage le regard de la Louve à sa femme de chambre, qui était accourue en entendant du bruit, et il savait son ennemie parfaitement capable de lui mettre sur le dos tous ses gens.

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, reprit-elle ; Sarah n’est pas ici, elle ne doit pas partir avec moi, et je vous répète, monsieur, que je ne comprends rien à votre singulière démarche. Vous ne m’avez pas donné votre maîtresse à garder, et je m’étonne que vous, monsieur de Serville, vous osiez vous présenter chez celle qui a été Mme de Ferney. Je vous ordonne de sortir ! Je vous chasse comme vous m’avez chassée jadis.

Mais ces souvenirs du passé, que l’odieuse créature invoquait avec un tel cynisme, n’étaient pas de nature à calmer Armand.

Transporté de fureur, il saisit la comtesse par le bras en lui disant à haute voix :

— Sarah est chez vous ! Jeanne Reboul, de gré ou de force, vous me mènerez près d’elle.

— Vous me faites mal, monsieur, répliqua la misérable en cherchant à se dégager,