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Ne voulant pas y croire, il fit traîner le meuble jusqu’auprès de son lit, l’ouvrit d’une main tremblante et convulsive, et, à la vue du vide de ces tiroirs auxquels il avait confié ses précieuses lettres, il jeta un cri de douleur et d’épouvante.

Il comprenait en même temps qu’on lui avait enlevé son plus cher trésor et que, pour arriver à ce résultat, on avait usé de toutes les ruses, puisqu’on n’avait pas reculé même devant un meurtre.

On voulait donc faire de cette correspondance une arme contre Mme de Rennepont.

De lui-même, il s’inquiétait fort peu, mais le danger que courait Fernande le glaçait d’effroi.

Il voyait déjà la pauvre femme devenue l’objet de quelque chantage infâme, et il se torturait l’esprit pour découvrir à quels misérables il avait affaire, voulant aller au-devant du péril qui menaçait l’ange de bonté que son amour avait perdu.

Il le dit à Marie, qui s’efforça de le calmer, en lui assurant que Mme de Rennepont ignorait le vol de sa correspondance ; car, par une touchante abnégation, Fernande ayant désiré qu’Armand pensât qu’il en était ainsi, afin qu’il ne fût pas embarrassé devant elle, son amie s’était empressée de se faire complice de ce pieux mensonge.

Néanmoins, malgré cette satisfaction au milieu de ce malheur, dès ce moment le peintre ne vécut qu’avec la pensée de découvrir à tout prix de quelle machination il était victime, et il n’eut plus qu’un seul but : guérir le plus rapidement possible pour entrer en lutte avec ses ennemis inconnus.

C’est ainsi que, grâce à sa volonté et à son tempérament robuste, il fut sur pied, ainsi que l’avait dit Harris, avant la fin du mois, et qu’il put songer à se mettre en campagne.

Mais M. de Serville se creusait vainement l’esprit, et il commençait à craindre d’être en présence d’un problème insoluble, lorsque tout à coup, au moment où il venait de s’arrêter à la détermination de tout dire à Mme de Rennepont, afin de prendre son avis, il reçut cette lettre que Louis avait si rapidement tracée devant M. de Fressantel, lettre qui l’informait, on se le rappelle, que la correspondance de la générale avait été volée à l’instigation de Sarah Bernier.

Cette dénonciation fut pour le malheureux un véritable coup de foudre. Quelque mépris qu’il eût pour la femme qu’il avait chassé, il ne l’aurait jamais crue capable d’une semblable infamie.

— Oh ! le monstre ! s’écria-t-il l’œil plein d’éclairs ; elle me rendra ces lettres ou me dira où elles sont ; sinon, malheur à elle ! Moi-même, je me ferai justice !

Et sans perdre alors un seul instant, car il craignait d’arriver trop tard, Armand, fou de colère, s’habilla rapidement, glissa un revolver dans une de ses poches, et, sautant dans la voiture qu’il avait envoyé chercher, donna au cocher l’adresse de la comédienne.

Il savait depuis longtemps où elle demeurait ; il n’ignorait pas davantage ses relations honteuses avec la Louve, et il pressentait que son implacable ennemie n’était pas étrangère à son crime.