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billets de banque, il se retira en saluant les deux amies, en domestique de bonne maison.

— Décidément, ma chère Jeanne, dit Sarah après le départ de Louis, vous avez quelque chose.

— J’ai que je voudrais, répondit la Louve, pour les trente mille francs du docteur Harris, ne pas m’être occupée de cette affaire. Dans quarante-huit heures, si je le puis, je quitterai Paris.

— Pourquoi donc cela ?

— Parce que… je n’aime pas les révolutions. Je t’engage à m’imiter. Écris d’abord au docteur que tu as la satanée correspondance et qu’il vienne la chercher. Moi, je vais dire qu’on fasse mes malles.

Et très évidemment plus préoccupée encore qu’elle ne voulait le paraître, Jeanne Reboul sonna sa femme de chambre à laquelle elle donna ses ordres.

Pendant ce temps-là, l’actrice écrivait à Harris pour le prier de venir prendre les fameuses lettres, et, son billet expédié par un valet de pied, elle se demanda pour la première fois pourquoi ce médecin étranger payait aussi cher les preuves d’amour de Mme de Rennepont.

Ces réflexions la conduisirent tout naturellement à être de l’avis de la Louve, c’est-à-dire à penser que le plus prudent était de s’éloigner de Paris. Aussi se promit-elle de presser son propre départ, lorsqu’elle aurait touché les trente mille francs que devait lui rapporter son pacte infâme.

Il y avait à peine une demi-heure que Sarah avait pris ce parti, et elle était retournée chez elle pour faire ses préparatifs, lorsque le domestique envoyé chez Harris se représenta devant sa maîtresse, pour l’informer que la lettre de Mme Bernier avait été remise au docteur lui-même, et que celui-ci le suivait.

Quelques instants après, en effet, le même valet de pied annonçait à la comtesse Iwacheff, M. William Burton !

— William Burton, répéta l’ex-madame de Ferney, en se levant brusquement du siège qu’elle occupait. Est-ce qu’il est seul ?

— Oui, madame la comtesse.

Après avoir hésité un moment, Jeanne Reboul, avec un mouvement de tête qui semblait exprimer : « Il le faut bien », ordonna d’introduire l’étranger.

Justin Delon, entra aussitôt, et lorsqu’il se fut assuré que le domestique avait, en sortant, fermé la porte derrière lui, il s’avança vers celle qu’il avait aimée, en lui disant :

— Cela vous étonne de me revoir ?

— Je vous l’avoue, répondit la fille Méral. Je ne comprends pas que vous n’ayez point hésité à venir à Paris, où vous pouvez être reconnu.

— Et dénoncé, n’est-ce pas ?