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Aussi, lorsque le palefrenier le prit par les pieds pour le jeter dans la cave, le bandit ne fit-il aucune résistance. Bernard crut ne traîner qu’une masse inerte, et quand il poussa l’assassin par le soupirail, ce fut avec la conviction parfaite que ce n’était plus, ou à peu près, qu’un cadavre.

Mais le bossu étendit les mains pour préserver sa tête, et comme, juste en dessous de l’ouverture par laquelle il avait été précipité, se trouvait un tas de charbon, il atteignit le sol sans trop de mal.

Une fois là, il se palpa, se tâta, et reconnaissant qu’il n’était blessé qu’au côté droit du front, il se fit avec son mouchoir un premier bandage qui arrêta un peu le sang dont, la perte menaçait de l’affaiblir.

Au moment où il terminait dans l’obscurité ce pansement sommaire, Pierre entendit une voix de femme, puis des pas pesants au-dessus de lui. Il comprit que c’était un domestique qui était venu au secours de son maître et que Bernard aidait celui-ci à gravir l’escalier.

Cinq minutes après, au bruit que fit la porte de la rue en se refermant, il devina que quelqu’un sortait de la maison pour aller chercher un médecin et peut-être aussi la police.

Mais il savait, en homme que ces choses intéressent particulièrement, que le poste le plus prochain était assez loin ; il songea donc à mettre immédiatement à profit les quelques instants de répit qui lui restaient.

Il alluma d’abord la petite lanterne sourde dont il s’était prudemment muni, puis examina l’endroit où il avait fait une entrée si brutale et surtout si involontaire.

C’était, comme s’il s’en était bien douté, un simple caveau à charbon. La porte n’en était fermée qu’au pêne. Il l’ouvrit facilement et se trouva dans le sous-sol de la maison.

À droite était la cuisine, et en face de lui l’escalier. Il en gravit les marches et gagna le vestibule.

Après l’avoir traversé sans bruit, il allait atteindre la porte de la rue lorsqu’il se sentit défaillir.

La tête lui tournait ; ses jambes refusaient de le conduire plus loin.

Il fut obligé, de sa main sanglante, de s’appuyer contre la muraille, qui lui sembla se dérober devant lui.

C’était tout simplement la porte de la salle à manger qui s’était ouverte sous son poids.

Il pénétra alors dans cette pièce, plutôt en se traînant qu’en marchant, et s’y laissa tomber sur un siège, étouffant la malédiction qui s’échappait de ses lèvres.

Mais, en jetant autour de lui un regard désespéré, il aperçut à la portée de sa main une étagère sur laquelle se trouvaient une demi-douzaine de bouteilles. Il en saisit une, et sans même s’assurer de ce qu’elle contenait, la porta vivement à sa bouche.