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— Une bien digne femme.

— Oui, je sais.

— Alors, monsieur me prend à son service ?

— Certainement ! Tu vas commencer par courir chez Mme de Fressantel pour t’informer si elle est encore à Paris. Si elle est à son hôtel, tu lui remettras une lettre que je vais te donner.

En disant ces mots Gaston était rentré dans sa chambre, où Louis l’avait suivi, et, ne se souvenant plus des préparatifs de mort au milieu desquels il avait été dérangé, il avait ouvert son bureau afin d’écrire la lettre qu’il voulait envoyer à sa tante.

— Peste, monsieur ! dit le neveu de la brocanteuse, en apercevant les pistolets et en les désignant du doigt à son nouveau maître avec un geste des plus expressifs, je crois que je suis arrivé à temps.

— C’est vrai, répondit M. de Fressantel ; je ne savais plus trop où donner de la tête.

— Ce n’est jamais une raison pour se la casser, riposta philosophiquement Louis.

Tout en causant avec son nouveau valet de chambre, le baron avait écrit à sa tante quelques lignes bien faites pour toucher le cœur honnête de la jeune femme.

Il la priait de lui pardonner de n’avoir pu rester maître de ses sentiments, et il lui disait simplement, sans phrases, qu’apprenant qu’elle était encore à Paris, il se mettait à ses ordres, en parent loyal et dévoué, en chevalier auquel elle n’aurait plus jamais l’ombre d’un reproche à adresser.

Au moment même où il cachetait cette lettre, le timbre de sa porte retentit de nouveau. Louis courut ouvrir. Ce fut du Charmil, cette fois, qui se précipita dans l’appartement, en s’écriant :

— Aux armes, Gaston ! Nous voilà en pleine révolution ; le gouvernement abandonne Paris ; demain nous serons les maîtres.

— Comment ! que veux-tu dire ? Nous serons les maîtres ! Qui ça, nous ?

— Mais nous, toi, moi, tous ceux qui n’ont rien et veulent avoir !

— Tu es fou ! riposta le baron, dont les instincts aristocratiques se réveillaient à ce cri de communisme.

— Que non pas, cher ami ! Dans vingt-quatre heures, la Commune sera proclamée ! Aux premiers arrivés, les grasses fonctions et les portefeuilles ! Je me lance tête baissée dans le mouvement. Moi aussi, je veux devenir quelque chose et quelqu’un. J’espère bien que tu me suivras ?

— Tu t’imagines que la révolution va marcher aussi vite que cela, que l’armée ne va pas balayer les rues à coups de fusil !