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nant le bras pour la conduire dans le salon, où les tables de jeu étaient prêtes, que sa maîtresse était tout simplement la complice d’un assassinat suivi de vol.

Un instant après, on commençait chez la fille du guillotiné Méral un baccara effréné, sur lequel Gaston comptait bien pour doubler ses capitaux. Il avait confié cinq mille francs à du Charmil, en avait mis deux mille de côté, pour le cas où il perdrait, et il se disposait à risquer hardiment les douze mille francs qui composaient le restant de sa fortune.

Devenue libre, Sarah Bernier s’empressa d’en profiter pour causer avec son amie du drame de la rue d’Assas, et la Louve en éprouva une émotion violente, car si elle haïssait mortellement le seul homme qu’elle eût jamais aimé, elle craignait néanmoins les suites de cette sanglante histoire.

Sachant qu’elle n’était plus soutenue comme jadis par des amis puissants, elle redoutait de voir la police se mêler de ses faits et gestes.

Ce qui la contrariait vivement surtout, c’était que la Fismoise fut dans cette affaire qu’elle craignait de ne voir se terminer que par quelque scandale judiciaire.

De plus, quels étaient ces auxiliaires dont sa sœur s’était servie ? N’avait-elle pas à craindre de se trouver à la merci de quelques mauvais drôles qui spéculeraient sur sa terreur ?

Heureusement qu’Harris la rassura en lui rappelant qu’elle était restée étrangère à tout, que c’était son amie qui était allée elle-même chez la brocanteuse, et qu’en admettant que l’affaire prît une mauvaise tournure, ce qui était peu probable, car personne n’avait vu ceux qui s’étaient introduits chez M. de Serville, il lui serait facile de prouver que sa coopération avait consisté à présenter l’ancienne maîtresse du peintre à deux inconnus, sans même rien savoir de leurs intentions.

Un peu remise par ces explications, la Louve retourna dans son salon pour être de nouveau tout entière à ses invités.

Le jeu était fort animé ; il y avait autour de la table de baccara une demi-douzaine de femmes et une douzaine d’hommes, qui ne songeaient plus qu’aux cartes.

Du Charmil jouait serré et faisait peu de mouvements d’argent ; mais M. de Fressantel, plus pressé d’arriver au résultat qu’il désirait, marchait grand train, et la chance l’avait à ce point favorisé qu’il gagnait déjà une dizaine de mille francs.

— Ne jouez-vous pas, marquis ? demanda la comtesse à d’Almeida, qui, ainsi que le docteur Harris, était resté jusque-là simple spectateur de la lutte.

— J’ai honte de vous l’avouer, madame, répondit l’étranger, mais ce jeu m’est absolument inconnu.

— Oh ! il n’est pas difficile, monsieur dit Gaston, qui avait pris la main et qui, après être parti de dix louis, avait passé quatre fois et gagnait par conséquent 3,000 francs. Vous n’avez qu’à dire : banco, ramasser les deux cartes que je vais vous donner, et le premier de ces messieurs vous dira ce que vous avez à faire, si vous avez gagné ou perdu.

— Eh bien ! banco, monsieur, puisque cela peut vous être agréable, répliqua le