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— Je vous jure !

— Vous reviendrez et je vous tendrai la main comme je vous la tends aujourd’hui, sans me souvenir de votre égarement, mais seulement de vos consolations amicales et de vos soins dévoués.

En disant ces mots, Mme de Fressantel avait offert loyalement sa main à son neveu, qui, par un effort de volonté, l’avait respectueusement pressée entre les siennes. Puis elle était sortie, le laissant seul à ce qu’elle pensait être de la douleur, tandis qu’il ne ressentait que de l’humiliation et de la colère.

Quelques minutes après son départ, Gaston se décida lui-même à quitter la place ; et, comme pour le railler, le hasard lui fit rencontrer dans la cour de l’hôtel la petite fille de la jeune veuve, que sa nourrice rapportait endormie dans ses bras.

La vue de cette enfant fut pour lui un nouveau coup de poignard.

Si Mme de Fressantel avait pu surprendre le regard de haine que l’amant de Sarah Bernier jeta en passant sur l’innocente créature, son cœur de mère eût tressailli d’épouvante.

Hélas ! indulgente et bonne comme le sont souvent les femmes sans reproches, elle avait déjà pardonné à Gaston. Le lendemain, elle ne voulut quitter Paris qu’après lui avoir adressé quelques paroles affectueuses, qu’elle terminait généreusement par : « Au revoir ! »

Mais si Mme de Fressantel s’était hâtée d’oublier la conduite blessante de son parent pour ne se souvenir que de l’empressement qu’il avait mis tout d’abord à lui offrir ses services, empressement que la nature honnête de la jeune femme devait lui faire croire tout désintéressé, Gaston n’était sorti de chez elle que le cœur rempli de haine et l’esprit couvant mille projets de vengeance.

Lorsque, rentré chez lui, il se vit seul dans son appartement, dont l’ameublement luxueux était une véritable ironie, maintenant qu’il était ruiné, il ne voulut pas se rappeler que sa déclaration d’amour à Mathilde n’avait été qu’une comédie infâme, et il se prit à lui en vouloir autant de la blessure qu’elle avait faite à son amour-propre que de la perte de ses espérances de fortune.

C’est dans ces dispositions d’esprit qu’il se rendit chez Sarah Bernier, pour lui demander si elle avait réussi dans la démarche d’emprunt à laquelle du Charmil avait fait allusion.

Sachant que la position de son amant était plus que gênée, la comédienne lui avait promis de lui trouver la somme nécessaire pour entrer en campagne amoureuse contre Mme de Fressantel.

Elle avait pensé pour cette opération à la Fismoise, mais la question des lettres, qui était pour elle d’une importance plus immédiate, ne lui avait pas permis de parler d’argent à la marchande à la toilette, et ce fut pour Gaston une déception de plus, lorsque l’ancienne maîtresse de maître Pétrus lui annonça qu’elle ne s’était pas encore occupée de son affaire.

Furieux, ne sachant plus où donner de la tête, il alla dîner à son cercle, dans l’espoir d’y rencontrer son ami du Charmil ; mais celui-ci, très occupé lui-même