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Au même instant il entendit la porte du jardin s’ouvrir brusquement et le forçat pousser un cri de colère.

À ce cri succéda aussitôt le bruit d’une lutte, puis un gémissement profond comme un râle, et le neveu de la Fismoise comprit que le peintre, en rentrant, avait surpris Pierre et s’était jeté sur lui.

Seulement, que s’était-il passé ?

Le premier mouvement de Louis avait été d’éteindre sa lumière, et il s’efforçait de percer les ténèbres, mais il ne voyait rien qu’un groupe informe qui se roulait à terre.

Tout à coup, il reconnut de nouveau la voix de son oncle, mais presque aussitôt il aperçut, accourant de l’écurie et s’élançant sur le forçat, le palefrenier Bernard, que le bruit de la lutte avait réveillé.

— Ah ! tant pis ! qu’il se débrouille ! fit le vaurien en prenant une résolution soudaine.

Et, sans hésiter, il sauta de la fenêtre sur le sable, où il tomba sur ses pattes comme un chat, pour rebondir jusqu’au fond du jardin.

Là il trouva aussitôt, retenue au faîte du mur par un large crochet, la corde à l’aide de laquelle Méral s’était introduit dans la propriété.

Il la saisit et grimpa comme un mousse. Une fois en haut de la muraille, il rejeta la corde de l’autre côté, se laissa glisser, et, cinq minutes après, il s’en allait tranquillement, les deux mains dans les poches, le long de la grille du Luxembourg.

On eût dit un brave matelot qui, content de sa soirée, ne songeait plus qu’à rentrer dans son garni.

— Bah ! se disait-il, tout en serrant amoureusement contre sa poitrine les lettres de Mme de Rennepont et pour chasser le remords, qui, du reste, ne le tourmentait que fort peu, je sais bien que l’affaire est mauvaise pour mon oncle : assassinat, vol avec escalade et effraction ! C’est raide, surtout pour un cheval de retour. Mais lui, qu’est-ce qu’il risque, après tout ? On ne pourra jamais lui couper le cou ! Il faudrait faire une machine exprès.

Et, entonnant une chanson de gaillard d’avant, le jeune misérable enfila la rue Bonaparte pour redescendre dans Paris.

Au fond, Louis était à peu près dans le vrai en disant que son oncle Pierre n’avait pas grand-chose à craindre dans le cas où il serait arrêté chez le peintre. Ce qui pouvait arriver de pire au forçat en rupture de ban, c’était de réintégrer le bagne d’où il s’était échappé.

En effet, condamné à mort déjà une fois, Pierre Méral avait vu sa peine commuée en celle des travaux forcés à perpétuité.

Les ministres de la justice et les procureurs généraux auxquels il avait eu affaire n’avaient jamais pu se décider à envoyer à l’échafaud ce monstre, dont l’exécution n’eût été possible qu’à l’aide de quelque nouveau moyen de décapitation.

Consulté à cet égard, Heidenreich, qui ne manquait pas d’humanité, tout exé-