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— Quoi ! fit la brocanteuse toute surprise, tu reviens déjà de la rue d’Assas ?

— Par le train-poste ! Ah ! quel honnête homme d’oncle j’ai trouvé là-bas ! Quelle belle chose que la famille ! Il m’a reconnu tout de suite. Et il pleurait ! Moi aussi, du reste. C’était à se croire à un cinquième acte de l’Ambigu. Et le peintre, a-t-il assez coupé dans le pont ! Il ne veut pas que je loge ailleurs que chez lui ! Il est capable de vouloir faire mon portrait. Vrai ! mon oncle, il n’aurait jamais songé à faire le vôtre !

— Assez ! gronda le forçat ; arrive donc au fait, mauvais drôle !

— Ah ! ce n’est pas mon oncle Kervan qui me traiterait ainsi, exclama Louis avec un soupir mélodramatique ; mais enfin, je vous obéis. Me voilà donc dans la maison ; il ne me reste plus qu’à découvrir où sont les fameuses lettres.

— Je le sais, moi, interrompit Françoise.

— Bah ! Alors le tour est joué.

— Non, pas encore, car elles se trouvent dans un meuble qui est dans la chambre à coucher de l’ancien amant de Sarah et qui ferme à clef.

— Et si M. de Serville te pince au moment où tu crochèteras sa serrure ? dit Pierre à son tour, d’un air goguenard.

— Ah ! mon oncle, que vous avez de vilains mots ! Qui vous parle de crocheter une serrure ? M. Armand ne dort pas avec sa clef et…

— Cette clef, je te la donnerai demain, interrompit la boutiquière.

— Vous ! ah bah ! Ma tante, vous cachez vos atouts, ce n’est pas bien ! Comment aurez-vous cette clef ? Est-ce que le docteur Harris est serrurier ?

— Ça ne le regarde pas, mauvais galopin. Qui te parle du docteur Harris ? Je ne le connais même pas. Reviens demain, je le donnerai cette clef.

— Un instant, fit Méral. Et si, une fois qu’il aura les lettres, nous ne le revoyons plus, ce polisson-là ?

— Oh ! mon oncle !

— Il n’y a pas de : Oh ! mon oncle ! Je te crois capable de tout.

— Merci bien ! Alors voici ce que je vous propose. Derrière le jardin de M. Armand, il y a un terrain vague ; vous y viendrez lorsque le moment sera arrivé, et je vous jetterai les poulets par-dessus le mur. Êtes-vous content ?

— Oui, comme cela, ça me va !

— Vous ne ferez plus les gros yeux à votre petit neveu Louis ?

— Non, mais je te jure que si tu me trompes, je te rattraperai pour te tordre le cou.

— Oui, c’est convenu, vous me l’avez déjà dit. Alors, ma tante, à demain !