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yeux de l’Américain au nom de M. de Rennepont, mais la comédienne surprit ce regard au passage, et comme elle avait entendu dire que l’étranger poursuivait en France une œuvre mystérieuse et politique, elle se promit de veiller sur ceux qu’elle aimait.

Son cœur lui disait qu’ils étaient menacés.


VI

L’honnête Louis chasse de race.



Le surlendemain de son retour, M. de Rennepont vint rendre visite à Armand.

Il tenait à lui exprimer encore une fois toute sa reconnaissance ; mais comme il était accompagné de Fernande, celle-ci, on le comprend, s’efforça d’abréger cette visite.

La vue de cet atelier ne lui rappelait pas seulement les moments heureux qu’elle y avait passés, mais éveillait aussi en elle le remords de cette infidélité de l’âme dont elle était coupable, et elle sentait bien que celui qui l’aimait souffrait au moins autant qu’elle-même de l’expansive gratitude de son mari.

Elle entraîna donc le général aussi vite que possible, mais néanmoins, les relations entre la rue de Varennes et la rue d’Assas reprirent comme par le passé.

M. de Rennepont et le peintre se voyaient presque tous les jours, soit chez l’un, soit chez l’autre, et le premier, dans les longues causeries qu’il avait avec le second, ne lui dissimulait pas les craintes que lui faisait éprouver la marche des événements.

Le jour où il apprit que l’Assemblée devait aller à Versailles, il courut chez Armand et lui dit :

— Mon cher ami, les affaires vont de mal en pis ; si j’en crois mes pressentiments, la guerre civile n’est pas loin.

— Qui vous fait supposer cela ? demanda le jeune homme avec un air de doute.

Il s’était remis au travail. Tout entier à son art et à son amour, il était fort peu au courant de ce qui se passait.

— Qui me fait supposer cela ? répéta le général avec amertume et colère. Tout ! Dans cette Chambre nommée à la hâte, il n’y a peut-être pas vingt députés qui com-