Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/439

Cette page a été validée par deux contributeurs.

milieu de ces femmes honnêtes ; aussi se contenta-t-elle de répondre en rougissant :

— Merci, madame ; si vous saviez quel bien vous me faites !

— Je ne sais qu’une chose, interrompit Mme de Rennepont, c’est que vous êtes charmante et bonne.

Et elle lui tendit affectueusement une main que Marie pressa avec émotion dans les siennes.

Cependant, tout en soignant les blessés, la générale ne se sentait plus calme et paisible comme autrefois ; elle était sujette à des terreurs soudaines, involontaires, sans causes définissables. Un rien l’effrayait. Le craquement d’un meuble, une porte qu’on ouvrait trop brusquement, une voiture qui faisait trembler les vitres de son hôtel, le moindre bruit inattendu lui causaient un tressaillement douloureux. Elle rougissait et pâlissait en un instant.

Quand Armand arrivait, elle mettait moins d’abandon à lui tendre la main ; elle ne cessait pas de lui parler de son mari, de son affection et de son respect pour lui, de la douleur qu’elle ressentait de ne pas recevoir de ses nouvelles, de la consolation qu’il devait éprouver dans son exil à la savoir sous sa sauvegarde, et de la foi qu’elle avait dans sa protection.

Lorsque sa visite se prolongeait, lorsque l’entretien tombait un peu ou prenait une tournure plus intime, elle sonnait sa femme de chambre, trouvait dix ordres à lui donner, la rappelait sous le motif le plus futile, prétextait une course indispensable, une lettre à écrire, et paraissait craindre enfin de rester seule avec l’homme à qui son mari l’avait confiée.

Armand, lui, était toujours le même pour Fernande, c’est-à-dire respectueusement dévoué ; mais il s’était surpris plusieurs fois à prendre instinctivement le chemin de la rue de Varennes sans qu’il eût projeté cette visite ; et il lui était arrivé souvent, en rentrant chez lui, après une nuit de fatigue aux remparts, de regretter amèrement de trouver sa maison vide, son foyer désert, et de ne point avoir pour compagne une sainte et douce créature comme Mme de Rennepont.

Cela dura ainsi de longues semaines, puis, au fur et à mesure que l’existence se fit à Paris plus triste et plus anxieuse, que l’isolement de la grande ville devint plus complet, que l’égoïsme restreignit les relations, Armand et Fernande se sentirent plus vivement attirés l’un vers l’autre, jusqu’au jour où l’artiste fut conduit blessé à l’ambulance de l’avenue de La Tour-Maubourg, et, se croyant mortellement frappé, murmura à l’oreille de Mme de Rennepont, qui, tremblante et les larmes aux yeux, s’était penchée vers lui :

— Ma plus grande douleur n’est pas de mourir, mais de me séparer de vous que je vais laisser seule et que j’aime plus que la vie !

— Armand ! fit la jeune femme épouvantée et en s’efforçant d’arrêter de la main les paroles sur les lèvres du malheureux.

Mais M. de Serville ne répondit à cette prière qu’en appuyant sur la main de