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car elle ne tenait pas à ce que son frère examinât de trop près ses richesses ; eh bien ! avez-vous assez de chance ? Voilà de l’ouvrage !

— Peuh ! quinze cents francs, c’est pas le Pérou, grommela Pierre ; cependant, on pourra voir.

— Quant à moi, chère tante, j’accepte. Le hasard fait justement que je connais M. de Fressantel. Il m’a plu tout de suite. J’irai le voir demain. Mais qu’est-ce que ce docteur Harris ?

— Qu’est-ce que cela te fait ?

— Ah ! moi, j’aime à savoir pour qui je travaille ; ça peut servir plus tard.

— En attendant, mes enfants, reprit Françoise, comme je ne peux pas vous loger ici tous les deux ; toi, Louis, voici dix francs, va nicher où tu voudras. Quant à toi, Pierre, monte avec moi, je te donnerai la chambre de ma bonne ; elle couchera dans la mienne.

Cet arrangement accepté par les deux intéressés, la marchande fit sortir devant elle ses deux dignes parents, mouvement que Louis n’oublia pas de faire à reculons, et, après avoir solidement fermé la porte de sa boutique, elle se dirigea avec son frère vers l’escalier qui conduisait au premier étage, où se trouvait sa chambre.

— Bonsoir, mon oncle, dit Louis du fond de l’allée qu’il avait prise, lui, pour gagner la rue ; n’allez pas au moins vous coucher en chien de fusil, il n’y a rien comme ça pour déformer les beaux hommes !


IV

Comment, au mois de mars de l’an de disgrâce 1871, le peuple le plus spirituel de la terre préparait ce que ses entraîneurs appelaient la réforme sociale.



Le coupé du docteur Harris était si peu démocratiquement attelé qu’il mit moins d’une demi-heure pour franchir la distance qui sépare la rue de Monceau du boulevard de la Villette.

Obéissant aux ordres qu’il avait reçus, le cocher arrêta sa voiture à une centaine de mètres avant la rue de Paris, et nos deux héros mirent pied à terre.

— Nous n’avons pas perdu notre soirée là-bas, dit le docteur à l’ancien amant