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— Chez moi, 28, boulevard des Italiens.

— C’est là aussi l’adresse de votre ami ?

— Non, madame, répondit William Burton, ou plutôt Justin Delon. Arrivé seulement d’hier, je suis descendu à l’hôtel de Rade, mais je compte bien avoir le plaisir de vous revoir, si toutefois vous ne me fermez pas votre porte.

— Tout au contraire, car je pense que nous avons beaucoup à nous raconter.

Sans paraître surpris de ces paroles, le docteur se leva et prit, ainsi que son ami, congé de la Louve, en lui disant :

— Allons, madame, c’est entendu, à demain !

Un instant après, calme et souriante comme si elle n’eût reçu qu’une visite insignifiante, la comtesse Iwacheff rentrait dans son salon.

M. de Fressantel avait pris sa place auprès de Sarah, et la jeune femme, pour suivre sans doute le conseil qui lui avait été donné, faisait le meilleur visage au déshérité.

— À la bonne heure, dit Jeanne au baron, vous voilà décidément consolé ; je vous en fais mon compliment sincère, mais je suis obligée de vous enlever Sarah. Nous avons à causer.

— Je n’attendais que votre retour pour me retirer, madame, répondit le jeune homme sur un ton un peu ironique ; je ne voulais pas m’en aller avant de vous avoir présenté mes devoirs. Vous voyez que je suis des derniers.

Ces mots prononcés, Gaston tendit la main à Sarah, et, après s’être incliné devant son amie, se dirigea vers la porte de sortie.

— Il est vexé, murmura la Louve ; mais c’est égal, tu lui as donné une bonne idée ; il fera tout au monde pour épouser sa cousine et te reviendra ensuite… avec cent mille livres de rente. Ne t’en va pas, laisse-moi congédier nos amis ; nous avons à parler sérieusement.

— Comment cela ? demanda la comédienne.

— Le docteur Harris, que tu connais, avec qui je viens de passer quelques instants, n’est venu que pour toi.

— Tu plaisantes ?

— Rien n’est plus exact. Je vais te raconter tout cela. Dis à Charlotte de nous faire servir à souper au coin du feu, dans ma chambre à coucher ; moi, je vais me débarrasser de tous ces gêneurs.

On voit que la comtesse avait une façon à elle de traiter ses fidèles. Mais ils y étaient faits, et elle s’y prit si bien pour leur faire comprendre qu’il était temps de se retirer, que, moins d’un quart d’heure après, elle rejoignait Sarah.

Celle-ci l’attendait assise auprès d’une petite table sur laquelle la femme de