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En recevant cette autorisation, sans prendre même le temps de mettre ni un chapeau ni un manteau, Jeanne bondit en dehors de sa cellule et, de là, dans une voiture où deux gardiens prirent place devant elle.

Dix minutes après, elle franchissait le seuil de son hôtel, s’élançait au premier étage et, sans avoir reconnu personne sur son passage, courait vers le lit de son enfant en s’écriant :

— Gabrielle, ma Gabrielle chérie ! c’est moi, ta mère !

Mais elle poussa aussitôt un horrible cri et, les yeux hagards, le visage livide, se rejeta en arrière.

En dévorant de caresses le visage de sa fille, ses lèvres n’avaient rencontré que des chairs déjà glacées.

Enlevée par une méningite tuberculeuse, la pauvre petite était morte depuis près de deux heures.

À celle qui avait été sans pitié pour les enfants des autres, Dieu n’avait pas permis de recevoir le dernier baiser de son propre enfant.

En parcourant d’un regard affolé la chambre où se passait cette épouvantable scène, Jeanne reconnut d’abord Armand qui baissait la tête, puis un prêtre, l’abbé Colomb, qui priait.

Elle comprit tout alors.

Le prêtre s’approcha d’elle et lui dit d’une voix grave et solennelle, en étendant le bras vers la couche mortuaire :

— Curé de votre paroisse, j’ai été appelé à temps pour bénir votre fille. Pour elle, c’est la délivrance ; pour vous, c’est le châtiment. Priez, Dieu vous pardonnera peut-être !

Rose Méral jeta un cri et s’étendit inanimée sur le parquet.

Le surlendemain, un convoi modeste, conduit par M. de Serville et suivi par quelques amis, longeait les boulevards extérieurs en se dirigeant vers le cimetière Montmartre.

C’était celui de Gabrielle de Ferney. Armand n’avait pas voulu que sa fille prît place dans le caveau de la famille dont, innocemment, elle avait volé le nom.

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L’instruction de cette mystérieuse affaire fut menée si rapidement que, moins de deux mois plus tard, tous les héros du drame que nous venons de raconter, sauf Justin Delon, qui n’avait pu être arrêté, comparaissaient devant la justice.

Du crime commis à l’hôtel de Rifay, il ne fut pas question, puisqu’il était couvert par la prescription.

On en parla même à peine au cours des débats, par respect pour le nom de M. de Ferney. Mais Rose-Jeanne Méral, reconnue coupable d’arrestation illégale sur la personne du sieur Pergous, fut condamnée à trois ans de prison.

Il n’avait pas été possible de prouver sa complicité dans l’assassinat de Jérôme