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et on sait qu’ils ne mentaient pas, qu’ils fussent pour quoi que ce fût dans l’assassinat de Dutan.

Du reste, leur innocence sur ce point était facile à démontrer ; ils n’étaient à Paris ni l’un ni l’autre à cette époque.

Manouret était à Londres, ce qu’il parvint à prouver d’une façon indiscutable, et quant à Pierre Méral, il affirmait que le parquet n’avait qu’à s’informer à Reims pour s’assurer qu’il y travaillait dans une filature de laine au moment où le malheureux ouvrier avait été tué.

Néanmoins, comme ces deux hommes ne s’étaient pas moins rendus coupables d’un crime prévu par le Code pénal : le crime d’arrestation illégale, et que, de plus, l’un d’eux était en rupture de ban puisqu’il avait été arrêté à Paris, dont le séjour lui était interdit, le juge d’instruction les congédia de son cabinet avec un mandat d’arrêt, et ils furent immédiatement conduits à Mazas, pour y attendre le jour de la justice.

Justin Delon, lui, restait introuvable.

M. Douet-d’Arcq craignait que cet homme, qui devait être, selon lui, l’assassin de Dutan, n’eût passé la frontière.

Aussi expédia-t-il immédiatement des ordres sur toutes les lignes de chemin de fer, afin qu’il ne pût s’échapper, s’il était encore en France.

Les choses en étaient là et l’instruction suivait son cours, lorsqu’un matin Sonia, qui avait l’autorisation de visiter sa maîtresse, vint lui apprendre que l’état de Gabrielle était désespéré.

Jeanne se mit à pousser de tels cris de douleur que la sœur de service dans sa galerie courut prévenir le directeur de la prison.

Celui-ci vint aussitôt et la femme de chambre le mit au courant de la terrible nouvelle qu’elle venait d’apporter à la prisonnière. Le médecin avait affirmé que l’enfant n’avait plus que quelques heures à vivre.

— Va, répétait à la jeune Russe la malheureuse en sanglotant, va 124, rue d’Assas, chez M. de Serville, et dis-lui qu’il vienne au moins soigner sa fille, puisqu’à moi, sa mère, on me le refuse. Ma pauvre enfant ! ma pauvre petite Gabrielle !

Mme de Ferney se tordait les mains, arrachait ses superbes cheveux, se déchirait la poitrine de ses ongles.

Le désespoir de la misérable était si profond et sa situation, si coupable qu’elle pût être, semblait si digne de pitié, que le directeur de Saint-Lazare, mû par un sentiment d’humanité, expédia un exprès à M. Douet-d’Arcq pour l’informer de ce qui se passait.

Le juge d’instruction envoya immédiatement rue de Monceau, afin d’avoir des renseignements précis sur le danger que courait l’enfant, et quand il apprit que le docteur ne conservait aucun espoir, qu’une catastrophe était imminente, il donna l’ordre de conduire Mme de Ferney chez elle. Deux agents devaient l’accompagner et ne pas la perdre de vue.