Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/388

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je l’ignore, je vous le jure, répondit Jeanne Reboul.

— Qui vous a mise en rapport avec eux ?

— Mon intendant, Justin Delon.

— Il habite votre hôtel ?

— Oui, monsieur.

Le magistrat écrivit quelques lignes, sonna et les remit au gardien qui était venu aussitôt.

— Maintenant, vous allez me laisser partir ? supplia Mme de Ferney.

— Non, je ne puis, répondit M. Douet-d’Arcq, mais je vous autorise à faire prendre tous les jours des nouvelles de votre fille. Il y a quelqu’un auprès d’elle ?

— Il ne s’y trouve que des domestiques et ma femme de chambre, Sonia.

— Écrivez-lui ; on vous rapportera la réponse à Saint-Lazare, où vous allez être conduite. Ne m’en demandez pas davantage, ce serait inutile.

Malgré son désespoir, Rose Méral comprit qu’elle n’obtiendrait rien.

Elle griffonna alors quelques mots à l’adresse de Sonia, puis, redevenant maîtresse d’elle-même, elle signa d’une main ferme et de son nom : Jeanne de Ferney, le procès-verbal que lui présenta le greffier.

Saluant ensuite le magistrat, qui inclina la tête, elle suivit sans mot dire le municipal qui était entré et avait reçu des ordres.

Une demi-heure après, elle était écrouée à Saint-Lazare, où le directeur l’autorisa à occuper une chambre séparée, dans le quartier des prévenues.

Pour cette femme accoutumée depuis si longtemps au luxe, c’était déjà un châtiment, mais lorsque, vers cinq heures, elle reçut un mot de Sonia qui lui écrivait que Gabrielle n’allait pas mieux, pour la première fois de sa vie peut-être, la misérable créature se mit à sangloter.

Sa nuit fut horrible, et le lendemain matin, en apprenant, par le docteur lui-même, que l’état de son enfant s’aggravait, elle pensa devenir folle.

Ce fut avec une inexprimable angoisse qu’elle attendit le juge d’instruction ; mais il ne devait venir ni ce jour-là ni le jour suivant ; tous ses soins étaient aux recherches qu’il avait ordonnées pour qu’on s’assurât de Justin Delon, de Manouret et de Pierre Méral.

Or Justin avait disparu de l’hôtel de la rue de Monceau aussitôt après l’arrestation de Jeanne. On n’avait donc pu obtenir de lui aucun renseignement sur ses complices.

Mais la Préfecture possédait sur chacun d’eux un dossier tellement complet que la police de sûreté les découvrit en moins de vingt-quatre heures.

Amenés devant M. Douet-d’Arcq, ils avouèrent tous deux la part qu’ils avaient prise dans l’arrestation de Pergous, avec qui ils furent confrontés ; mais ils nièrent,