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— La justice n’a pas à vous demander des explications à l’égard du crime dont vous êtes peut-être l’auteur ; elle n’a plus malheureusement le pouvoir de vous atteindre, ni vous ni vos complices.

— Monsieur, s’écria Jeanne, je ne suis ni auteur, ni complice de cet horrible meurtre ; laissez-moi tout au moins me défendre.

— C’est inutile, interrompit sèchement le magistrat, puisque vous n’êtes pas accusée. Mais ce dont vous vous êtes rendue coupable, c’est de l’arrestation et de la séquestration d’un homme qui pouvait éclairer la justice, et plus encore, c’est de l’assassinat que vous avez ordonné de Jérôme Dutan, l’ouvrier qui avait découvert le corps de Berthe de Ferney sous le parquet de votre ancienne chambre à coucher et qui avait enfoui ce corps à Nogent, dans le jardin de Pergous. Vous vouliez rentrer en possession de cette terrible preuve de votre crime ; vous avez envoyé à Dutan un homme qui lui a offert une somme d’argent, et comme le malheureux ouvrier n’a pu livrer ce qu’il avait promis, votre agent l’a tué et a jeté son corps dans la Marne.

— J’ignore absolument tout ce que veut dire ceci, monsieur, je vous le jure, répondit Jeanne, qui avait pâli à ce récit, mais cependant gardait son sang-froid. Ce qu’il y a de vrai, c’est l’arrestation de M. Pergous. Oui, c’est moi qui l’ai gardé prisonnier, non parce que je craignais la justice, car, lorsqu’elle saura ce qui s’est passé à l’hôtel de Rifay, elle verra que je ne suis pas coupable, mais parce que ce Pergous se livrait contre moi à un chantage que je ne voulais pas subir.

— Quels sont les individus qui ont été vos agents pour cette arrestation ?

— Je ne puis vous les nommer. Je ne suis pas comme M. Pergous, moi : je ne dénonce personne.

— C’est bien, madame, mais, en attendant que mon enquête soit terminée, vous resterez prisonnière !

— Prisonnière ! Je ne vais pas retourner chez moi ?

— Non, mon devoir m’ordonne de m’assurer de vous.

— C’est impossible, monsieur, j’ai un enfant malade, une petite fille qui ne peut se passer de moi. Ce serait de la cruauté ; je ne me sauverai pas. Votre sévérité est peut-être causée par mon refus de faire connaître les gens dont je me suis servie. Laissez-moi retourner auprès de mon enfant, et je vous les nommerai.

— La justice ne propose ni n’accepte de marché. En vous taisant, vous aggravez votre situation, c’est là tout ce que je puis vous dire.

— Eh bien ! monsieur, j’ai fait arrêter Pergous par un nommé Manouret et par Pierre Méral.

— Méral, c’est votre nom, à vous ?

— Oui, ce Pierre est mon frère, mais il ne sait pas que je suis sa sœur.