Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/374

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Assez, messieurs, dit avec autorité M. Demarquay. Mieux qu’aucun de vous, la loi saura punir les coupables, quels qu’ils soient. Laissez-moi faire mon devoir et emmener cette femme.

Donnant lui-même l’exemple de la soumission, M. Dormeuil entraîna ses amis, dont la stupeur égalait la sienne.

Ils ne pouvaient comprendre comment cet horrible crime, si longtemps caché, avait été découvert.

C’est qu’ils ignoraient à la suite de quel événement étrange l’heure de la justice avait enfin sonné pour Jeanne Reboul, la fille du guillotiné Méral.


XII

Philidor, sans le vouloir, se transforme en vengeur.



Pendant que Jeanne Reboul — car c’est ainsi qu’il convient d’appeler désormais l’ex-comtesse Iwacheff, qui avait bien compris qu’elle ne pourrait reprendre son nom légal de madame de Ferney sans fournir des armes dangereuses à M. Dormeuil — pendant que Jeanne Reboul, disons-nous, tramait le déshonneur de son beau-fils, en attendant qu’elle pût atteindre sa belle-fille, Pergous, si désillusionné à l’égard de Clarisse, se sentait chaque jour plus épris de Marie, et il lui avait annoncé, ainsi qu’à Victoire, qu’il allait s’installer avec elles à Nogent.

En domestique complaisante, Victoire accueillit cette nouvelle avec indifférence ; mais la fille de la pauvre Lucie en fut terrifiée, car elle savait que l’agent d’affaires ne quittait jamais Paris si tôt.

D’ordinaire il attendait que le printemps fût complètement venu. Elle n’en pouvait douter. Pergous voulait l’éloigner de toute protection. Une fois seul avec elle à la campagne, il renouvellerait ses tentatives infâmes. Peut-être même irait-il jusqu’à la violence !

Comment se défendrait-elle ?

La pauvre enfant eut, pendant quelques jours, la pensée de fuir cette maison maudite, où elle n’avait été recueillie, elle le comprenait trop bien, que pour devenir victime. Mais où aller ? Elle était sans famille, sans amis, sans protecteurs.

Philidor lui avait bien offert son amitié ; elle savait que le pauvre garçon était rempli d’affection pour elle ; mais oserait-il jamais entrer en lutte avec son redoutable patron ?