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Ils y montèrent tous trois, et, grâce à un généreux pourboire au cocher, moins d’un quart d’heure après, ils sonnaient rue de Monceau, à la porte de l’hôtel de Jeanne Reboul.

On leur ouvrit aussitôt, mais au moment où M. de Serville demandait la maîtresse de la maison au concierge, dont les traits étaient bouleversés, il vit tout à coup la pseudo-comtesse Iwacheff qui apparaissait sur le perron.

Sa toilette était en désordre, ses traits exprimaient une indicible terreur.

Un homme auquel elle paraissait résister la tenait par le bras.

— M. Demarquay, fit M. Dormeuil, en reconnaissant la personne qui semblait entraîner Jeanne ; M. Demarquay, le commissaire aux délégations judiciaires ! Qu’est-ce que cela veut dire ?

Au même instant, Mme de Ferney leva les yeux et jeta un horrible cri.

Elle venait de voir, en face d’elle, ses trois ennemis.

M. Demarquay, qui avait également reconnu M. Dormeuil, confia Jeanne à deux individus qui l’accompagnaient et vint au-devant de l’avocat.

— Vous arrêtez cette femme ? lui demanda ce dernier.

— Oui, monsieur, répondit le fonctionnaire.

— Qu’a-t-elle fait ?

— Elle est soupçonnée d’être auteur ou complice de l’assassinat d’un enfant dont le corps a été trouvé sous le parquet de son ancienne chambre à coucher, dans l’hôtel de Rifay.

— Dans l’hôtel de Rifay ! s’écria Raoul, qui avait entendu l’explication de M. Demarquay.

Fou de colère, il fit un mouvement pour s’élancer sur sa belle-mère.

— Pardon, monsieur, dit le commissaire en l’arrêtant au passage, cette femme n’appartient plus maintenant qu’à la justice.

— Mais c’est ma sœur, monsieur, ma pauvre petite Berthe que cette misérable a assassinée !

— Vous mentez, hurla Jeanne, à qui la présence de ceux qu’elle haïssait et qu’elle avait voulu perdre semblait rendre son énergie sauvage. Dites-leur donc qu’ils mentent tous, monsieur de Serville, puisque cette même nuit-là, vous ne pouvez l’avoir oublié, vous étiez près de moi !

À l’évocation de ce triste souvenir, faite avec un esprit satanique, en présence du fils de l’homme qu’il avait trompé, Armand, baissa la tête.

Tout ce passé funeste se représentait brusquement à son esprit avec ses conséquences honteuses et terribles.

Il sentait peser sur lui le regard de Raoul de Ferney, qui se demandait s’il avait bien compris les épouvantables paroles qu’il venait d’entendre.