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Et, cédant aux sollicitations de ses amis, il quitta, en chancelant, le lieu du combat.

Deux heures après, il était de retour rue Bellechasse et, vers midi, il apprit de M. Gilbert, qu’il avait envoyé aux nouvelles, que le jeune Russe avait été transporté à Paris, mais que les chirurgiens appelés auprès de lui conservaient peu d’espoir.

On avait télégraphié au comte de Platen, à Saint-Pétersbourg.

Mis au courant de ce qui s’était passé, sans toutefois que le nom de sa nièce eût été mêlé en rien à l’affaire, le général de Bertout avait approuvé la conduite de son officier d’ordonnance.

Raoul n’en était pas moins désespéré, et lorsque, vers quatre heures, M. de Cerny vint le voir, au moment même où MM. Dormeuil et de Serville étaient auprès de lui, ce fut bien autre chose encore.

M. de Cerny arrivait, en effet, avec un de ces horribles cancans qui font à Paris un chemin si rapide.

— Savez-vous, dit-il, le cri général au club, lorsqu’on a appris que M. de Platen était grièvement blessé et qu’il, avait eu pour témoins MM. du Charmil et de Fressantel ?

— Non, balbutia Raoul.

— Que ces petits messieurs devaient être désolés que leur ami ne fût pas tué, car ils lui doivent plus de cent cinquante mille francs.

M. de Ferney se laissa tomber dans un fauteuil en poussant un gémissement d’horreur.

Ainsi, il avait été l’instrument de cette monstrueuse spéculation. Qui sait si on ne l’en croirait pas complice ? Pour lui, c’était le déshonneur !

— Es-tu fou, mon enfant ? lui dit M. Dormeuil en le forçant à se relever. Est-ce que si quelqu’un pouvait douter de toi, ce qui ne saurait être, nous ne sommes pas là pour repousser une telle infamie ? Mais cette circonstance m’explique tout ; je comprends maintenant le rôle et la combinaison de Jeanne Méral, dite Reboul ! Nous aurions dû nous défier de son silence.

— Les choses apparaissent clairement en effet, poursuivit M. de Serville. Tué par M. de Platen, Raoul cessait d’être pour elle un obstacle ; s’il tuait au contraire ce malheureux, le fils de M. de Ferney, elle l’espérait du moins, serait déshonoré.

— Oh ! je veux voir cette infâme, s’écria l’officier : je veux la démasquer. Je l’ai oubliée trop longtemps.

— Eh bien, soit ! répondit l’avocat. Venez aussi ; Armand. Il faut en finir avec cette femme : il faut qu’elle sache que, tous trois, nous sommes unis pour la combattre et la punir.

M. de Ferney était déjà sur le seuil de son appartement. Avant même que MM. Dormeuil et de Serville l’eussent rejoint, il avait gagné la rue et arrêté une voiture.