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Trois nouveaux venus s’avançaient en effet sur le pont. C’étaient bien le gentilhomme russe et ses amis.

MM. Dormeuil et de Serville s’éloignèrent pendant que Raoul et ses trois compagnons disparaissaient dans l’île.

M. de Platen et ses témoins rejoignirent ces derniers pour choisir un emplacement convenable.

MM. Dormeuil et de Serville les suivaient à quelques pas en arrière, en pensant tous deux qu’un peu plus de dix ans auparavant, ils avaient déjà parcouru ces mêmes lieux : l’un pour assister un ami, l’autre pour devenir le meurtrier d’un honnête homme que la fatalité avait mis en face de lui.

Après un quart d’heure de recherches, les témoins trouvèrent ce qu’ils désiraient.

C’était une petite clairière où le sol était couvert de sable.

M. du Charmil pria alors MM. Gilbert et de Cerny d’examiner les armes qu’il avait apportées : deux épées de combat achetées la veille au soir. M. de Platen ne les avait lui-même jamais vues. Il n’y avait pas à choisir entre elles.

M. Gilbert en présenta une à M. de Ferney ; le jeune étranger se saisit de l’autre, que lui offrait M. de Fressantel.

Les deux adversaires mirent habit bas et se placèrent en face l’un de l’autre.

Ils n’avaient pas aperçu MM. Dormeuil et de Serville qui s’étaient avancés et se dissimulaient derrière les grands arbres.

— Vous savez, messieurs, dit M. du Charmil à Raoul et à Romuald que le combat doit continuer jusqu’à l’impossibilité pour l’un de vous de tenir son épée. Maintenant, allez !

M. de Platen, dont le visage imberbe exprimait la plus grande énergie, tomba immédiatement en garde, mais M. de Ferney, gardant son épée la pointe en bas, lui dit :

— Monsieur, nous allons nous battre, puisque vous avez refusé d’accepter les excuses que je vous ai fait offrir par MM. Gilbert et de Cerny, mais, avant de croiser le fer, je tiens à vous exprimer moi-même le regret que j’éprouve de ma conduite envers vous et à vous prier, pendant qu’il en est temps encore, de me la pardonner.

Ces mots avaient été prononcés avec une telle dignité que le gentilhomme russe demeura un instant interdit. Malheureusement ses regards rencontrèrent ceux de M. du Charmil, dont les lèvres esquissaient un sourire ironique, et il répondit brutalement :

— Il est trop tard, monsieur, défendez-vous !

Et il porta si vivement à Raoul un coup droit que celui-ci, qui s’attendait peu à une aussi brusque attaque, ne la para qu’à demi. Il sentit le fer de M. de Platen effleurer son épaule gauche.

Alors le sang lui monta au visage ; on put lire sur ses traits la lutte que se