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qu’il y a au fond de tout cela un piège où l’épouse chassée veut faire sombrer l’honneur d’un nom qu’elle n’a pu souiller elle-même.

— Que décidez-vous ? demanda M. de Serville, en revenant un peu de l’abattement où l’avaient plongé ces étranges révélations. Voulez-vous que j’aille trouver cette infâme créature ; que je lui impose silence de gré ou de force ?

— Non. D’ailleurs vous ne pouvez rien contre elle. Il ne faut pas nous le dissimuler. Rose Méral échappe à la loi ; le crime de faux dont elle a été complice est couvert par la prescription décennale. Moi, je vais courir au cercle Impérial ; si je n’y rencontre pas M. de Platen, j’irai l’attendre chez lui.

— C’est peut-être là le meilleur moyen. Voulez-vous que je vous accompagne ?

— Oui, c’est cela ; ne perdons pas de temps.

Quelques instants après, MM. Dormeuil et de Serville montaient en voiture. Moins d’un quart d’heure plus tard, ils franchissaient le seuil du club de la rue Boissy-d’Anglas.

Le valet de pied auquel ils s’adressèrent leur répondit que M. de Platen était au cercle et les fit entrer dans un petit salon, pendant qu’il allait prévenir celui qu’ils désiraient voir.

Ils étaient là depuis moins de cinq minutes, lorsque le gentilhomme russe parut ; seulement, en apercevant deux personnes qu’il ne connaissait pas, il crut que le domestique s’était trompé et fit un mouvement de retraite en s’excusant.

— Pardon, lui dit vivement l’avocat, c’est bien nous qui avons demandé M. le comte de Platen.

— C’est moi-même, messieurs, répondit poliment Romuald, mais je n’ai pas l’honneur de vous connaître.

— Il est vrai, monsieur, poursuivit le vieillard, et nous nous excusons, monsieur et moi, d’une présentation aussi brusque, mais nous avons à vous entretenir d’une affaire des plus graves. Mon ami est M. Armand de Serville, plus connu dans le monde des arts sous le nom de Pétrus ; moi, je suis M. Dormeuil, avocat à la Cour de cassation.

M. de Platen s’inclina en disant :

— Je connais M. de Serville de réputation et de vue, car j’ai eu l’honneur de le rencontrer ici même.

Pétrus venait dîner de temps en temps au cercle impérial, dont il était membre.

— Puisqu’il en est ainsi, reprit M. Dormeuil, vous nous supposez gens sérieux et d’honneur. Permettez-moi donc d’arriver droit au but. Vous devez vous battre demain avec M. Raoul de Ferney ?

— C’est vrai, répondit le comte, en devenant fort pâle au souvenir de l’agression dont il avait été victime, mais c’est là une affaire qui ne regarde plus que mes témoins, MM. du Charmil et de Fressantel.