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— Vous ne vous en défendez pas et vous avez raison, car je vous fais mes compliments sincères. Votre père désirant vivement que vous trouviez femme en France, vous ne pouviez mieux choisir. Mlle de Bertout est jolie, bonne et riche.

— Malheureusement, dans tout ce que vous venez de dire, il n’y a que cela de vrai.

— Comment, n’êtes-vous pas amoureux ? N’êtes-vous pas d’excellente maison et millionnaire ? Voilà certes de parfaites conditions pour demander la main de cette jeune fille.

— Elle est déjà fiancée.

— À qui donc ?

— À M. de Ferney, aide de camp de son oncle, le général.

— M. de Ferney !

Jeanne avait prononcé ce nom avec une surprise si parfaitement jouée que M. de Platen resta tout stupéfait.

— Oui, M. de Ferney, officier d’état-major, répondit-il.

— M. Raoul de Ferney, le fils du magistrat ?

— Je ne sais s’il est fils d’un magistrat, mais il s’appelle en effet Raoul.

— Eh bien ! mon cher enfant, vous savez si j’ai une bonne et sincère affection pour votre père et pour vous. Aimez-vous vraiment Mlle de Bertout ; seriez-vous heureux si vous obteniez sa main ?

— J’aime Mlle Marthe et, si je pouvais lui donner mon nom, mes vœux les plus ardents seraient comblés ; mais, je viens de vous le dire…

— M. de Ferney n’épousera pas Mlle de Bertout. Ce qui sera mieux encore pour vous, c’est qu’il ne la demandera pas en mariage ou que, si cette demande est faite, il la retirera lui-même.

— Ce n’est pas possible !

— Ce sera !

— Expliquez-moi au moins quelles raisons donnera M. de Ferney.

— Il n’en donnera pas, ou du moins ne donnera pas la vraie. Je n’ai pas de motifs d’ailleurs pour avoir des secrets avec vous ; cependant je vous demande votre parole de ne dire à personne de qui vous tenez la confidence que je vais vous faire.

— Je vous le jure, madame. L’honneur de soldat de M. de Ferney serait-il entaché ?

— Non, pas son honneur de soldat, mais son propre honneur, à lui, car, si M. Raoul de Ferney est aujourd’hui un officier distingué, il n’en est pas moins celui