Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/342

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vais à certains passages de sa lecture ; tout cela me paraît si soigneusement recueilli et si exact que je n’hésite pas une seconde à vous donner la somme convenue.

En disant ces mots, elle s’était levée, pour prendre dans un petit secrétaire en bois de rose neuf billets de mille francs, qu’elle remit à l’homme d’affaires.

— C’est tout ce que vous avez à me demander ? fit celui-ci, en glissant prestement la somme dans sa poche.

— Oui, pour le moment, mais vous ne resterez pas longtemps inactif ; je vous ferai prévenir lorsque j’aurai besoin de vous. Seulement, je crois que ce que vous aurez à exécuter par la suite sera plus difficile que ce que vous venez de faire ; mais si vous vous en tirez aussi bien, cela vous rapportera davantage.

— Tout à vos ordres, madame.

— Au revoir, monsieur, et, très probablement, à bientôt.

Enchanté de sa journée, qui commençait si bien, le cynique personnage salua et s’en fut tout joyeux, pendant que la sœur de Pierre Méral murmurait en relisant quelques-unes des lignes du rapport de son espion :

— Raoul, sombre, irascible et amoureux ; Louise mariée à un homme du triple de son âge et jaloux ; il faudrait que je fusse bien maladroite pour ne pas les attirer tous les deux dans mes filets. Pour cette fois, Pergous ne m’a pas volé mon argent. Pas plus que moi, il n’a perdu son temps.

Jeanne, en effet, n’était pas restée sans rien faire depuis un mois. Tout en surveillant l’installation de sa maison, elle s’était occupée de M. de Serville et de la succession de M. de Ferney.

Par Delon, qui s’était empressé d’obéir, car il ne haïssait pas moins que ne le faisait Jeanne son ancien rival, elle savait exactement ce que faisait l’artiste, quelles étaient ses relations et ses façons de vivre.

Elle avait appris qu’il habitait toujours rue d’Assas cet atelier dont elle avait été honteusement chassée et qu’il passait toute la belle saison à Nogent, où il possédait une villa sur les bords de la Marne.

Justin lui avait dit aussi qu’Armand était lié avec le général de Gournay, qu’il visitait souvent à Saint-Cloud, relation qui s’expliquait aisément, d’ailleurs, puisque le peintre n’avait jamais perdu de vue les enfants de celui qu’il avait tué en duel, événement que Raoul connaissait, mais qui était ignoré de sa sœur.

Jeanne avait aussi fait choix d’un avoué habile, à qui elle n’avait raconté de son passé que ce qu’il était indispensable qu’il sût.

Pour Me Germain, c’est ainsi que se nommait cet avoué, sa cliente était restée veuve de M. de Ferney avec un enfant né dans les délais légaux, et cet enfant avait droit à sa part dans l’héritage de son père.

En attendant que l’action fût engagée, l’officier ministériel, qui s’était renseigné, savait que la fortune de l’ancien magistrat avait été divisée en trois parties : l’une pour Raoul, la seconde pour Louise et la troisième enfin pour Berthe, dont l’acte de