Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/338

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mais pour que vous soyez bien convaincu que je n’ai rien à craindre de vous. Quant à être mon allié, vous vous trompez ; vous serez mon agent… si nous nous entendons.

— De qui s’agit-il ?

— Je vais vous l’expliquer sans détour, car, lors même que vous en auriez la pensée, l’indiscrétion que vous pourriez commettre ne pourrait ni me nuire ni vous rapporter quoi que ce soit.

— Je vous écoute, madame, dit le patron de Philidor absolument dompté.

— Lorsque mon mari est mort, il a laissé deux enfants d’un premier lit : un fils du nom de Raoul, et une fille, qui s’appelle Louise. J’ai besoin de savoir ce qu’ils sont devenus tous deux. Ne vous hâtez pas outre mesure, nous avons le temps. Ce ne sont pas des renseignements vagues que je désire, mais des détails bien précis sur la situation sociale actuelle de Raoul et de Louise de Ferney. Le jour où vous viendrez m’apprendre, avec des preuves à l’appui, ce que font et où habitent le frère et la sœur, je vous compterai cinq mille francs, et je vous remettrai les quatre mille francs qu’on vous a demandés là-bas, à Joinville. Cette façon de reconnaître ce service, assez facile à rendre, vous l’avouerez vous-même, vous prouve que je saurai vous bien payer dans la suite, si vous m’obéissez aveuglément. Ah ! j’ai besoin de savoir également quelle est la position de M. Dormeuil, qui était jadis avocat à la Cour de cassation. Quant aux enfants de M. de Ferney, au moment où je les ai quittés, Raoul avait près de quatorze ans et Louise huit à peine.

— C’est entendu, madame, je vais me mettre en campagne. Dès que j’aurai réussi, je viendrai vous en faire part.

Et, comme Jeanne s’était levée, Pergous comprit que son audience était terminée. Il se retira.

— Voilà un coquin, dit Mme de Ferney dès qu’elle fut seule, de qui j’obtiendrai tout ce que je voudrai à prix d’argent. Quand je saurai ce que je veux connaître, nous verrons quelle sera la part de Gabrielle dans la succession de son père.

La misérable créature ne rougissait pas de mêler le nom de sa fille, chaste et pure, aux combinaisons infernales que nourrissait son esprit.