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Cette affaire délicate était réglée depuis vingt-quatre heures à peine, lorsque Pergous se présenta rue de Monceau.

Mme de Ferney le reçut immédiatement et lui dit, avant même qu’il eût prononcé un seul mot :

— Monsieur, je désire vivement que nous ne revenions pas sur le passé et que nous ne perdions pas notre temps en récriminations réciproques. Je vous crois habile, et je suppose que vous ne me prenez pas pour une sotte. Nous jouerons donc, si vous le voulez bien, cartes sur table. Si vous me rendez les services que j’ai l’intention de vous demander, je vous les payerai généreusement, et vous aurez bientôt oublié le désagrément que je vous ai causé. Mais ne tentez pas de me tromper, vous n’y réussiriez pas, et cela ne vous rapporterait rien.

Un peu stupéfait de ce début, l’homme d’affaires s’inclina, en répondant avec toute la grâce qu’il put y mettre :

— Madame, si je me suis souvenu de ce que vous m’avez dit là-bas et si je viens vous trouver, c’est pour me mettre à vos ordres ; je ne vous dirai pas gratuitement…

— Vous avez raison, je ne vous croirais pas, interrompit Jeanne Reboul avec ironie.

— Mais pour vous servir fidèlement.

— Nous le verrons, et, afin d’être plus certains encore du terrain sur lequel nous nous engageons, examinons rapidement nos situations respectives. Quelles sont vos armes contre moi ? Vous pouvez révéler deux choses : d’abord que je me suis mariée avec un faux acte de naissance ; seulement c’est vous qui m’avez procuré cet acte, et qui peut-être l’avez fabriqué vous-même.

— Oh ! madame, je vous jure.

— Pourquoi vous en défendre ? Est-ce que faire un faux ou faire usage d’un faux n’est pas la même chose aux yeux de la loi ? Ensuite, que je suis auteur ou complice du crime dont la victime a été trouvée sous le parquet de ma chambre à coucher. Or ces deux faits sont prescrits. Ce qui ne l’est pas, c’est le détournement que vous avez commis, vous, d’un corps dont la remise à la justice aurait permis de rechercher les coupables.

— Ce n’est pas moi qui ai trouvé le coffret !

— Non, mais c’est vous qui l’avez enfoui dans votre jardin et qui, depuis cette époque, l’avez fait disparaître pour vous en servir contre ceux qui avaient intérêt à ce que rien de ce drame ne fût connu. Vous voyez donc que la loi ne pourrait m’atteindre criminellement, tandis qu’elle vous frapperait correctionnellement.

Tout cela était si vrai, que Pergous ne trouvait plus rien à répondre. Aussi s’empressa-t-il de dire :

— Eh ! mon Dieu, pourquoi revenir sur tout cela, puisque je suis maintenant votre allié ?