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V

La date fatale.



L’assassin de Jérôme Dutan ne s’était pas trompé dans ses suppositions : c’était bien le complice de l’ouvrier qui avait enlevé de cette fosse le dépôt qui devait y rester à jamais. En agissant ainsi, Pergous avait tout simplement exécuté le projet que le récit de Lucie avait immédiatement fait naître en son esprit.

L’agent d’affaires, tel que nous l’avons présenté à nos lecteurs, n’était pas homme à laisser tomber dans l’oubli un semblable mystère.

Ce corps d’enfant enfoui sous le parquet d’un hôtel aristocratique, cet inconnu qui avait tenté de s’en emparer, cette femme que Jérôme avait entendue dans l’impasse du Cygne ; tout cela composait une énigme des plus intéressantes qu’il était décidé à déchiffrer à son profit.

C’est avec cette pensée bien arrêtée qu’il était rentré chez lui, en remettant à un prochain jour l’examen auquel il voulait se livrer ; mais il s’était endormi en rêvant si complètement à un de ces machiavéliques chantages dans lesquels il excellait, que le lendemain matin, impatient d’être fixé, il s’était rendu à la gare de Strasbourg, afin d’y monter dans le premier train pour Nogent.

En prenant par cette voie, il évitait la gare et le chemin de fer de Vincennes, où il était fort connu.

Or, il préférait de beaucoup qu’on ne le vît pas aller à la campagne dans cette saison et surtout aussi tard.


Retournons de quelques heures en arrière pour peindre dans sa hideuse vérité, la scène dont la villa de l’ex-avoué avait alors été le théâtre, scène que l’assassin de Dutan avait en quelque sorte pressentie.

De la station de Nogent à l’île de Beauté, Pergous suivit les bords de la Marne, et il atteignit rapidement sa porte, après n’avoir rencontré que des mariniers qui ne l’avaient pas même regardé.

Une fois dans son jardin et la grille fermée derrière lui, courant, sans perdre un instant, chercher la pelle dont Jérôme s’était servi la veille, il revint procéder à son étrange exhumation.

Il n’avait pas à craindre d’être surpris dans cette lugubre besogne, car il savait inhabitée la propriété contiguë à la sienne. De plus, à cette saison de l’année, les maisons de campagne étaient presque toutes inoccupées.

Il se hâta cependant et si bien qu’après une heure de fouille, il sentit son instrument résonner sur la ferrure du coffre.

Cinq minutes après, il le déposait sur la table de la salle à manger, au rez-de-chaussée de sa maison.

On se souvient que le malheureux Jérôme s’était contenté de laisser retomber