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la toilette qu’elle avait acheté avec une partie de l’argent que lui avait envoyé sa sœur.

C’était une de ces boutiques interlopes comme il en existe un si grand nombre à Paris, boutiques où l’on achète de tout, des bijoux, des dentelles, des oripeaux… et la plupart des femmes qui les ont portés.

En voyant s’arrêter devant sa maison une voiture qui ne pouvait lui amener qu’une cliente, la marchande s’avança vivement sur le pas de sa porte.

Jeanne avait sauté à terre.

Les deux sœurs se reconnurent aussitôt, quoiqu’elles ne se fussent pas vues depuis bien longtemps.

Mais nous avons dit plus haut que les années avaient à peine effleuré Mme de Ferney. Quant à Françoise, c’était toujours la femme commune et à la physionomie ouverte que nous avons retrouvée à l’hôtel de Reims. Seulement elle avait un peu grossi et son visage s’était coloré. Ses traits ne portaient certes pas trace des chagrins dont elle avait parlé dans sa dernière lettre.

— Toi ! s’écria-t-elle en embrassant affectueusement sa cadette. Ah ! je ne t’attendais guère.

— Oui, moi, répondit sèchement la maîtresse de lord Rundely ; es-tu seule ? Nous avons à causer sérieusement.

— Viens, il n’y a personne chez moi.

La Fismoise, puisque c’était là son nouveau nom, entraîna sa sœur dans une espèce de petit salon qui faisait suite au magasin, dont elle avait pris soin de fermer la porte extérieure.

Arrivée dans cette pièce, elle offrit à sa sœur un fauteuil presque confortable et s’assit en face d’elle, en s’écriant avec admiration :

— Comme tu es toujours belle !

— Oh ! ce n’est pas de cela qu’il s’agit, interrompit Jeanne. Écoute-moi attentivement. Te rappelles-tu ce Pergous qui m’a procuré jadis un acte de naissance ?

— Parbleu ! si je m’en souviens. Là-bas, à l’hôtel Molière.

— Oui. Sais-tu ce qu’il est devenu ?

— Non, je n’en ai jamais entendu parler, et cependant il me semble que je l’ai rencontré une fois dans le faubourg Saint-Germain, où j’étais allée acheter une garde-robe ; mais, dame ! je n’en suis pas sûre.

— Moi, je crois que tu ne t’es pas trompée. Le reconnaîtrais-tu ?

— Certainement, quoiqu’il doive avoir un peu vieilli, surtout s’il est resté coureur comme autrefois.

— Alors tu vas me faire le plaisir d’aller rôder rue du Four-Saint-Germain. Là, tu demanderas à quel numéro habite M. Pergous, agent d’affaires. Il y en a un de