Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/286

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est bien, j’obéirai.

— J’y compte et vous attendrai ici demain toute la journée. Faites disparaître ce sang et cette boue, et retournez à Paris pour changer de vêtements. À demain ! Qu’attendez-vous ?

Accoudé sur un meuble, le malheureux restait immobile.

— Jeanne, hasarda-t-il enfin d’un ton suppliant, dites-moi que vous ne m’en voulez pas de mon insuccès.

— Vous êtes fou ! Pourquoi vous en voudrais-je ? répondit-elle en haussant les épaules ; cette fois, au contraire, vous avez trop fait, mais je ne vous sais pas moins bon gré de ce que vous avez tenté !

— Oh ! merci ! merci ! s’écria l’esclave en se précipitant sur la main que lui tendait l’infâme.

En couvrant cette main de ses baisers, il y imprima une large lâche de sang.

La jeune femme, en voyant ce sang, eut un mouvement de dégoût et d’horreur. Cependant elle ne dit pas un mot.

Son cœur était de bronze.

Justin s’enfuit.

Le lendemain, avant midi, Mme de Ferney était renseignée. Justin avait eu le courage de retourner à Nogent, où il avait appris du premier venu que la maison qui l’intéressait appartenait à M. Pergous, agent d’affaires demeurant à Paris, rue du Four-Saint-Germain.

L’assassin avait même osé passer et repasser en promeneur devant le jardin, mais il avait vainement cherché à le parcourir des yeux à travers la grille. Quoique dépouillés de verdure, les massifs y étaient tellement épais qu’ils arrêtaient les regards.

Nous savons que s’il avait pu entrer dans la villa, Delon n’y aurait plus trouvé le corps de sa victime, puisque l’ex-avoué, prévenu par la pauvre Lucie de l’absence prolongée de son mari, était venu le matin même à Nogent et avait caché le cadavre dans la serre, sous des fagots.

— Pergous, Pergous ? répéta la fille Méral, lorsqu’elle eut entendu ce nom. Oh ! si c’était le même. C’est impossible !

— Qu’avez-vous donc ? fit Delon.

— Rien qu’il soit nécessaire que vous sachiez encore, mais peut-être sommes-nous sauvés ? Retournez à Paris et attendez-moi chez vous.

Sans se permettre de demander d’autres explications, l’ex-intendant de la Marnière s’éloigna. Une demi-heure après, Mme de Ferney prit elle-même le train.

En arrivant à Paris, elle sauta en voiture et se fit conduire, sans même s’arrêter à l’hôtel du Louvre, au no 107 de la rue Blanche.

Françoise occupait là, sous le nom de la Fismoise, le magasin de revendeuse à