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« Je ne sais pas si tout cela te fera beaucoup de chagrin ; tu n’aimes pas Louis et tu ne t’es jamais occupée de lui, mais moi, je l’avoue, j’avais un faible pour ce petit chenapan, et sa mauvaise conduite me cause une véritable peine.

« Ne crains rien, d’ailleurs, il ne connaît pas sa mère, même de nom. C’est heureux pour toi, car, bien certainement, il te coûterait cher.

« J’ai acheté, avec l’argent que tu m’as envoyé, un magasin de marchande à la toilette, et les affaires vont assez bien.

« Voilà, ma chère sœur, tout ce que j’avais à le dire ; il ne me reste plus qu’à t’embrasser.

« Françoise Fismoise.


« P. S. — Fismoise est un nom que j’ai pris. Tu comprends que je me soucie peu qu’on m’appelle Méral et encore moins peut-être la Manouret ; tandis que, la Fismoise, ça me rappelle les environs de Reims.

« Mon magasin est 107, rue Blanche, tout près de mon ancien quartier. »


Jeanne attachait sans doute une grande importance aux nouvelles qu’elle attendait de sa sœur, car cette lettre lui arracha plusieurs mouvements de rage, mais elle parcourut rapidement les lignes où il était question de son fils et se contenta, aux expressions de chagrin de Françoise à ce sujet, de hausser les épaules.

Celle-ci n’exagérait rien cependant en se plaignant d’Armand. C’était, à moins de seize ans, le vaurien le plus complet qui se pût voir.

Après avoir été chassé de toutes les écoles où sa tante l’avait successivement envoyé, le digne fils de Rose Méral s’était mis à vagabonder en compagnie des polissons dont il avait fait ses amis, et c’était bien ce qu’on pouvait appeler un gibier de potence.

Le plus pur sang maudit des Méral coulait dans ses veines.

D’une intelligence remarquable, malin comme un singe, mais fainéant, menteur, voleur, déjà débauché, Louis-Armand était le type de ces monstrueuses productions du vice dont Paris semble avoir le triste monopole.

Le petit misérable se doutait qu’il était le fruit de quelque amour coupable et il avait tout fait pour arracher à Françoise le secret de sa naissance, mais celle-ci n’avait pas trahi sa sœur.

On verra, dans la suite de ce récit, que c’était là certainement le plus grand service qu’elle pouvait lui rendre.

— Eh ! que me fait ce polisson, murmura la marâtre, après sa lecture terminée ; ce sont les autres qui m’intéressent. Oh ! ne pouvoir aller à Paris moi-même ! Si, du moins, j’y avais quelqu’un d’habile. Mais personne, personne ! Ce Pergous était bien l’homme qu’il me fallait. Je veux me venger cependant !