— Vous savez, madame, reprit le général Lemanoff, que mes instructions m’ordonnent d’assister à vos préparatifs de départ et que, sauf les papiers relatifs à vos affaires personnelles en France, vous ne devez en emporter aucun.
— Je n’en ai pas d’autres.
— Excepté votre acte de mariage qui, bien certainement, est entre vos mains.
— Cet acte doit être chez le comte ; moi, je ne l’ai pas. Si vous voulez me suivre, je ne prendrai que les objets que vous m’autoriserez à emporter.
En disant ces mots, Mme de Ferney passa la première et monta dans son appartement.
Le général la suivit dans sa chambre à coucher, et rien n’entra dans les cinq grandes malles que Jeanne fit remplir de robes et de linge sans qu’il l’eût examiné avec un soin de commissaire-priseur.
Pendant tout le temps que nécessitèrent ces préparatifs, la jeune femme n’adressa pas la parole à son surveillant. Les quelques mots qu’il lui avait dits à propos de son acte de mariage lui avaient fait comprendre le motif de son expulsion de l’empire.
Elle succombait, c’était évident pour elle, à un complot de famille, à la tête duquel s’était mise la comtesse douairière Iwacheff, qui s’était toujours opposée à son union avec son fils et n’avait jamais voulu la voir.
— Maintenant, dit-elle au directeur de la police lorsqu’elle eut terminé et en ouvrant un petit meuble de Boulle dans lequel se trouvaient des lettres et divers papiers, voulez-vous examiner tout cela et voir ce que je puis prendre ?
— Parfaitement, madame, répondit le fonctionnaire.
Et, feuilletant l’une après l’autre les lettres, lisant tous les papiers, il ne laissa à la disposition de sa prisonnière que ce qui était étranger à ses relations avec son mari. Des autres documents, il fit un paquet qu’il glissa dans une large poche de sa pelisse.
Cette étrange besogne achevée, il dit à Mme de Ferney :
— Si vous êtes prête, nous pouvons partir.
— Il me reste, monsieur, à régler les comptes de mes gens et de quelques-uns de mes fournisseurs, observa Jeanne.
— N’en prenez pas souci, tout cela sera fait par mes soins.
— Alors partons.
Le général lui fit signe de descendre la première ; elle obéit et arriva dans le vestibule du rez-de-chaussée sans avoir aperçu aucun de ses domestiques, quoique Sonia, bien certainement, dût leur avoir annoncé le départ de leur maîtresse.
Mais tous les gens de la maison, par ordre, se tenaient à l’écart.
Une voiture était sur le pas de la porte.