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DEUXIÈME PARTIE

LA COMTESSE IWACHEFF


I

Covent-Garden.



Ce soir-là, Mario et la Patti chantaient La Lucia à Covent-Garden, le théâtre consacré à Londres au répertoire italien. La salle était comble et présentait, dès le premier acte, le plus splendide coup d’œil, car nos voisins d’outre-Manche, qui se montrent si libres d’allures chez les autres, sont, chez eux, pleins de respect pour la forme.

En effet, l’Anglais qui se gêne peu pour se présenter partout à Paris, même à l’Opéra, en jaquette de voyage et la lorgnette en bandoulière, n’entre pas à Londres dans le plus petit théâtre sans être en toilette de soirée.

Du reste, en Angleterre, tout gentleman endosse l’habit noir et se cravate de blanc dès six heures du soir.

Dans nul pays on ne consomme autant de fleurs. Laissant aux élégants les gardénias et le lilas blanc, le plus modeste employé, dès la sortie de son bureau, orne sa boutonnière d’une rose ou d’une marguerite.

Covent-Garden était donc des plus brillants.

Les loges y étincelaient de jolies femmes et de diamants ; le prince de Galles occupait l’avant-scène de droite avec le grand-duc Constantin, son hôte depuis quelques jours.

Il n’y avait plus une place vide, sauf une loge de face. On s’étonnait beaucoup, pendant le premier entr’acte, qu’elle restât inoccupée, lorsqu’on y vit apparaître une femme sur laquelle se fixèrent immédiatement tous les yeux. Elle était, il est vrai, admirablement belle et mise avec un goût parfait.

D’une taille au-dessus de la moyenne, elle avait les plus splendides épaules du