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le silence ; mais M. de Ferney découvrit sous le lit de la blessée le couteau de son fils, et il le chassa. Depuis lors, il ne l’a pas revu.

Ce récit du prêtre avait éveillé sans doute d’étranges pensées dans l’esprit de M. de Serville, car, après un instant de silence pendant lequel il sembla faire appel à sa mémoire, il lui demanda avec anxiété :

— Cette blessure n’était pas grave ?

— Je l’ignore, répondit l’abbé Colomb.

— Quand s’est passé cet événement ?

— Il doit y avoir un peu plus d’un an, puisque le départ de Raoul en a été la conséquence et que le pauvre enfant est à Douai depuis à peu près ce laps de temps.

— Un an ? Oui, un an ! Oh ! ce serait infâme, plus infâme encore que tout ce qu’elle a fait !

En prononçant ces mots, le peintre avait pris sa tête entre ses mains comme pour fouiller plus profondément encore dans ses souvenirs.

— Qu’avez-vous donc ? fit le prêtre.

— Monsieur l’abbé, dit Armand en se levant, il me faut la date exacte de cet événement. M. de Ferney doit s’en souvenir ?

— Sans doute.

— Courez la lui demander, je vous prie. Ou plutôt, non, je vais vous accompagner. Ah ! Dieu veuille que le pauvre père non seulement me pardonne, mais encore me bénisse !

— Expliquez-vous.

— Bientôt vous saurez tout. Je donnerais ma vie pour ne pas me tromper. Venez, ne perdons pas de temps.

Le jeune homme entraîna le vieillard.

Une voiture descendait justement la rue d’Assas ; ils y montèrent. Cinq minutes après, ils arrivaient à l’hôtel de Rifay.

— Monsieur, dit M. de Serville, en aidant le prêtre à mettre pied à terre, allez demander à M. de Ferney la date précise de cette tentative de meurtre que vous venez de me faire connaître, et revenez de suite, je vous en conjure !

Bien qu’il ne comprît pas quel était le but de l’artiste, l’abbé se hâta de monter chez le blessé et de le mettre au courant de tout ce qui venait de se passer entre lui et M. de Serville.

M. de Ferney, fort étonné, lui répondit :

— Il m’est, hélas ! facile de me souvenir de cette date, puisque cela arriva trois ou quatre jours après la mort de ma pauvre femme, si tôt oubliée pour mon châ-