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— J’irai chez M. de Serville en vous quittant.

— Maintenant, mon père, écoutez le chrétien, pour appeler sur lui la miséricorde de Dieu.

M. de Ferney joignit les mains et commença sa confession.

Une demi-heure plus tard, l’abbé Colomb, très ému, sortait de l’hôtel de Rifay pour se rendre rue d’Assas.

Petrus était chez lui ; le prêtre se fit annoncer et fut immédiatement introduit.

— Monsieur, dit-il au peintre, je suis l’ami, le confident de M. de Ferney et je viens de sa part.

— De sa part ! répéta le jeune homme. Vous ne m’apportez pas au moins de mauvaises nouvelles ?

— Non, monsieur, et le ton avec lequel vous m’interrogez me permet d’espérer que ce que j’ai à vous dire sera bien accueilli par vous.

— N’en doutez pas, monsieur l’abbé ! Si vous saviez quel est mon désespoir !

— Je le vois ! Eh bien ! monsieur, voici ce dont je suis chargé : M. de Ferney est convaincu que vous êtes tout à fait étranger à l’incident qui s’est produit pendant qu’il se battait, et son cœur ne renferme aucun sentiment de haine contre vous. Il vous pardonne le passé comme, d’avance, il vous pardonne sa mort.

— Oh ! merci de ces bonnes paroles, mon père, s’écria M. de Serville en saisissant respectueusement les mains du prêtre. Ah ! c’est que cela est horrible de passer pour un misérable aux yeux d’un honnête homme. Vous ignorez peut-être comment les choses ont eu lieu ; laissez-moi vous le dire.

Et aussitôt, franchement, loyalement, comme s’il se fût confessé, Armand raconta à l’abbé Colomb où il avait connu Jeanne, comment il s’en était séparé, dans quelles circonstances il l’avait retrouvée, et enfin le rôle que la fatalité lui avait fait jouer auprès d’elle.

— Je vous plains sincèrement, monsieur, lui dit le prêtre lorsqu’il eut terminé, car, vous aussi, vous avez souffert par votre faute et souffert seul, tandis que M. de Ferney a été frappé par cette femme jusque dans les siens.

— Oui, on lui a enlevé une de ses filles !

— Il a éprouvé une douleur peut-être plus cruelle encore.

— Je ne vous comprends pas.

— Il a un fils, Raoul, un enfant charmant qu’il adorait.

— Lui serait-il arrivé malheur ?

— Il lui est arrivé plus qu’un malheur : grâce à la présence auprès de son père de cette femme qui semble, comme un démon, semer le mal autour d’elle, il a commis un crime.