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lettre qui vous donnera tous les renseignements nécessaires pour poursuivre votre enquête.

— Soit ! monsieur, j’attendrai.

— Je vous remercie sincèrement.

En prononçant ces derniers mots, son visiteur s’était levé. M. Claude le reconduisit jusque sur le seuil de son bureau avec les marques de la plus respectueuse sympathie.

Rentré chez lui, après cet entretien pénible, mais qui lui donnait néanmoins un peu d’espoir à propos de sa fille, M. de Ferney se mit immédiatement au travail, et quand l’heure du dîner fut venue, il eut le courage d’aller s’asseoir à table avec Louise et miss Brown.

Mais à la fin du repas, lorsque la seule fille qui lui restait vint se suspendre à son cou pour lui dire bonsoir, le malheureux, à bout de forces, fondit en larmes en pressant l’enfant sur son cœur.

— Ne pleure pas, lui dit la fillette, en sanglotant elle-même, petite sœur reviendra ! Et maman Jeanne, où est-elle ?

C’en était trop pour l’infortuné ; il embrassa convulsivement sa fille et, sans pouvoir prononcer une parole, la remit à son institutrice. Puis il s’enfuit en chancelant.

Cependant, une fois seul dans son cabinet, il n’en reprit pas moins énergiquement sa douloureuse tâche.

À onze heures, il avait écrit son testament et plus de dix lettres. L’une de ces lettres était pour Mme de Lignières, cette parente qui, chargée par lui de trouver une institutrice, avait reçu Jeanne Reboul des mains de la supérieure du couvent de la Visitation.

C’était à Mme de Lignières qu’il confiait Louise et Berthe, si cette dernière était retrouvée.

M. de Ferney n’oublia pas son fils.


« Raoul, lui écrivit-il, à l’heure où tu liras cette lettre, j’aurai cruellement expié la faute qui t’a rendu coupable à ton tour. Je te pardonne donc, comme je prie Dieu de me pardonner à moi-même. Lorsque l’âge aura mûri la raison, tu comprendras tout ce que j’ai souffert et tu puiseras dans mon malheur un exemple.

« Travaille de façon à devenir un homme utile à ton pays, et quand tu entreras dans le monde où je ne serai pas près de toi pour te guider, lutte sans trêve contre tes passions. Avant de faire quoi que ce soit, avant de prendre une décision grave, demande-toi si ta mère t’approuverait. C’est le meilleur moyen de ne jamais faillir.

« Ma mort éveillera peut-être dans ton esprit une idée de vengeance ; repousse-la énergiquement. Si j’ai succombé, c’est que Dieu avait jugé que je devais être puni. J’espère que mon expiation éloignera de toi sa sévérité.