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son amant, lui avait fait comprendre que c’était à son amour qu’elle devait la perte de sa position si difficilement conquise et M. de Serville, plus épris que jamais, en était arrivé à cette conviction qu’il était le débiteur de l’épouse chassée.

On comprend donc avec quel enthousiasme il approuva les conditions de sa rencontre avec M. de Ferney.

Quant à la jeune femme, elle dissimula dans un cri de terreur l’odieuse satisfaction qu’elle éprouvait.

Convaincue qu’Armand, jeune, adroit, familiarisé avec les armes à feu, sortirait vainqueur de ce duel, à mort, elle voyait déjà son mari expirant, et elle songeait avec une joie infernale qu’elle pourrait s’introduire dans l’hôtel de Rifay pour en faire disparaître le cadavre accusateur de son enfant.

M. de Ferney, au contraire, reçut avec calme et dignité M. Dormeuil.

— Je vous remercie, lui dit-il, d’en avoir terminé. Exprimez ma reconnaissance à M. de Présolles, et à demain matin. Je vous ferai prendre par ma voiture, qui nous conduira à Chatou. J’ai devant moi plus de temps qu’il n’en faut pour mettre ordre à mes affaires. Permettez-moi, à ce sujet, de réclamer de vous un dernier service.

— Vous savez, mon ami, que je suis tout à vous, répondit l’avocat.

— Acceptez d’être mon exécuteur testamentaire.

— N’ayez pas de ces lugubres pensées ; un duel, si sérieux qu’il soit…

— Mon cher Dormeuil, un honnête homme doit toujours faire en sorte que sa mort ne cause aux siens nul embarras. Bien que j’espère mieux de la justice de ma cause, je puis être tué ; or mes enfants sont mineurs, l’un d’eux a disparu, et mon plus proche parent, que je préfère d’ailleurs ne pas mettre dans la confidence de ce triste événement, vit au fond de la Bretagne. Je suis donc obligé de faire appel à votre sympathique dévouement.

— C’est bien, j’accepte cette mission, quoique j’espère n’avoir pas à la remplir.

— Merci. Demain, avant de partir, je vous remettrai mon testament. S’il m’arrive malheur, vous en prendrez immédiatement connaissance.

— Je suivrai toutes vos instructions.

— Où allez-vous, maintenant ?

— Au Palais, car je n’ai pu m’y rendre aujourd’hui.

— Grâce à moi, ce dont je vous demande pardon. Si vous me le permettez, je vais vous y conduire. C’est mon chemin, j’ai besoin à la police de sûreté.

— Pour cette pauvre petite. Quel étrange et mystérieux événement ! On ne sait rien encore ?