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Ces paroles étaient à peine prononcées qu’on frappa à la porte du petit salon où se passait cette scène.

C’était le valet de chambre de M. de Ferney.

Il rapportait la réponse de M. de Serville, réponse aussi nette et aussi concise que le désirait le provocateur.


« Monsieur, écrivait Petrus, il est inutile que je reçoive vos deux amis chez moi. S’ils veulent prendre la peine de se rendre aujourd’hui même, de deux à quatre heures, dans l’atelier de M. Salmon, 70, rue d’Assas, ils y rencontreront mes deux témoins, qui ne savent qu’une seule chose, c’est qu’un duel entre nous est indispensable.

« Ces messieurs ont ordre d’accepter toutes vos conditions. »


Après avoir pris connaissance de cette lettre, MM. Dormeuil et de Présolles se retirèrent en promettant d’être exacts au rendez-vous que leur donnait M. de Serville.

Ce que M. de Ferney ignorait, ce qu’il n’eût osé croire, quel que fût son mépris pour celle qui avait volé son nom, souillé son honneur et brisé sa vie, c’est que son rival avait écrit sa réponse sous les yeux de l’épouse adultère.

Car ce n’était pas seulement par fanfaronnade que la misérable femme avait jeté à haute voix à son cocher l’adresse de son amant ; elle s’était, en effet, rendue chez lui.

Revenons de quelques instants en arrière, pour assister à ce qui s’était passé au 124 de la rue d’Assas, après l’arrivée de Mme de Ferney.

À peu près vers onze heures, au moment où Petrus était tout au travail, la porte de son atelier s’ouvrit brusquement et Jeanne y parut sur le seuil.

Stupéfait de cette visite autant qu’effrayé de la physionomie de sa maîtresse, l’artiste s’élança vers elle.

— Mon mari m’a chassée, dit-elle.

— Chassée ! répéta Armand en la pressant sur son cœur.

Il ne voyait en elle que la victime des événements qu’il connaissait.

— Oh ! ce n’est pas pour ce que tu crois, reprit-elle, en s’arrachant doucement à cette étreinte.

— Pourquoi, donc ?

— M. de Ferney connaît le passé. Où, comment, par qui l’a-t-il appris ? je l’ignore, mais il sait tout, depuis mon nom jusqu’à nos amours d’autrefois. Il sait que j’ai eu de toi un fils et peut-être aussi que je suis encore ta maîtresse. Il veut te tuer !