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Petrus se nommait Armand de Serville, qu’il était né à la Marnière, c’est-à-dire à quelques kilomètres de la ville et que, par conséquent, il avait pu mettre quelque amour-propre à se faire connaître dans son pays.

Le mari de Jeanne venait de résoudre cette petite énigme, lorsque Me Destables entra, s’excusa d’avoir fait attendre son visiteur et lui rappela qu’il était tout à ses ordres.

M. de Ferney lui expliqua alors le but de sa démarche. Le notaire fut immédiatement de son avis.

Seulement, il ne pouvait prendre aucune résolution définitive sans avoir préalablement soumis la question au conseil de famille de ses jeunes clients ; mais, comme la chose lui paraissait urgente, il promit de faire sans aucun retard le nécessaire.

Il ne restait plus au magistrat qu’à se retirer et il se levait déjà, après avoir remercié l’officier ministériel de son gracieux accueil, lorsqu’il lui dit, en forme de compliment, en lui montrant la toile de Petrus :

— Du reste, en entrant ici, je me suis trouvé en pays de connaissance.

— Ah ! vous connaissez l’artiste qui a fait ce tableau ? fit Me Destables.

— Maître Petrus expose cette année un portrait de femme qui sera certainement médaillé. C’est un peintre qui promet de devenir célèbre.

— Cette toile est une de ses premières ; il m’en a fait cadeau, et rien ne pouvait m’être plus agréable que ce souvenir, car maître Petrus, ou plutôt M. Armand de Serville, est un jeune homme sur lequel j’ai reporté en affection tout ce que j’avais de respect pour sa mère, la plus digne et la meilleure des femmes. Non seulement, pendant qu’elle vivait, Mme de Serville a adoré son fils, mais encore elle l’a sauvé… lorsqu’elle n’était plus là pour veiller sur lui.

— Comment cela ?

— C’est une bien triste histoire de famille.

— Je vous demande pardon, je ne veux pas être indiscret.

— Vous ne commettez aucune indiscrétion, car rien, dans ce qui s’est passé, ne saurait être reproché à M. de Serville. Il s’est conduit tout à la fois en honnête homme et en fils respectueux. Ah ! il avait affaire à une femme terriblement dangereuse ! Je crois que si je ne l’avais pas aidé de mes conseils, le courage lui aurait manqué et qu’il serait retombé dans ses filets.

— Une femme ! Au fond de tous les drames, il y en a toujours une.

— Celle-là était une véritable héroïne de roman. Élevée par charité par Mme de Serville, qui l’avait arrachée à un avenir de misère et de honte, elle avait su se faire aimer d’Armand. Il était à peu près de son âge et lui avait fait des serments qu’il aurait certainement tenus, sans la révélation posthume qui l’a dégagé de sa parole.

Pendant que le notaire s’exprimait ainsi, M. de Ferney se sentait étrangement