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Sans leur adresser la parole, elle se précipita à travers la galerie pour gagner son boudoir.

— Enfin, que s’est-il passé ? dit-elle, une fois arrivée là, à miss Brown qui l’avait accompagnée.

— Je l’ignore, madame. Hier soir, j’ai laissé Mlle Berthe tout habillée sur son lit ; vous m’aviez dit que vous la coucheriez vous-même. Tout à l’heure, lorsque je suis venue pour l’éveiller, elle n’y était plus. Je me suis alors permis d’entrer dans votre chambre, car j’espérais que l’enfant s’y trouvait. Mais rien que la fenêtre ouverte et les meubles renversés. Voyez vous-même !

La fille du guillotiné Méral n’hésita pas un instant : elle passa dans la pièce voisine.

Sa physionomie exprimait une telle émotion qu’on pouvait n’y lire que le désespoir.

— Les misérables ont enlevé en même temps mon coffret à bijoux et l’enfant ! Mes bijoux, qu’importe ! Mais Berthe, pourquoi ?

— Le bruit fait par les voleurs a peut-être réveillé Mlle Berthe ; alors elle est venue, et…

— Oh ! c’est horrible ! Que va dire son père ? Et on n’a rien entendu ! Faites monter tout le monde. Non, je vais descendre.

Si énergique que fût la cynique créature, elle ne se sentait pas cependant le courage d’interroger ses gens sur le théâtre même du crime dont elle était la complice.

Elle se rendit immédiatement au rez-de-chaussée, mais aucun des domestiques de l’hôtel ne put lui donner un renseignement nouveau. Nul bruit ne les avait réveillés.

— Ce qu’il y a de bien certain, madame, dit le concierge, c’est que les voleurs ont passé par le jardin, car on voit très distinctement des pas sur le sable, et j’ai trouvé la porte de l’impasse ouverte. Ils n’ont pas eu beaucoup de mal à monter jusqu’au premier ; les ouvriers avaient laissé leur échelle dressée contre les échafaudages de la serre. Les gredins ont sans doute enlevé notre pauvre petite demoiselle parce qu’elle criait. Pourvu qu’ils ne l’aient pas tuée !

— A-t-on été chez le commissaire de police ? demanda Jeanne que ces derniers mots du serviteur avaient fait tressaillir.

— Non, répondit cet homme.

Le commissaire de police du quartier était à cette époque M. Richard, un fonctionnaire du meilleur monde et fort intelligent.

Moins d’une demi-heure après, avec un accent désespéré et d’une voix entrecoupée par des sanglots, Mme de Ferney apprenait au fonctionnaire ce que ses gens avaient découvert en entrant dans son appartement.