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« Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que lorsque ceux qui s’étaient élancés sur les pas du fugitif revinrent à l’endroit où cette scène s’était passée, il n’y avait plus personne.

« La dame a-t-elle immédiatement trouvé un protecteur dans celui qui était resté près d’elle pour lui donner ses soins ? Il est permis de le supposer, le bras d’un nouvel adorateur lui ayant paru préférable à sa comparution devant le commissaire de police. Seules, peut-être, ces lignes lui apprendront la fin tragique de son brutal amoureux. »


Mlle Reboul ne vit, dans ce récit assez exact, que deux choses, c’est que Justin n’était plus à craindre et qu’on ne pouvait l’y reconnaître. M. de Ferney ne lisait d’ailleurs, dans son journal, que la partie officielle et l’article politique.

Elle le remit donc elle-même sur son bureau, mais pour le faire disparaître le lendemain, de peur qu’il ne tombât sous les yeux de l’un des gens de la maison.

Il ne restait que M. de Serville ; mais elle était certaine de son silence, d’abord parce qu’il devait tenir fort peu à être mêlé à une aventure de ce genre, et ensuite parce qu’elle avait aisément reconnu que son amour pour elle était toujours aussi vif qu’autrefois.

Ce qui, pour le moment, intéressait particulièrement Jeanne, c’était la mission dont elle avait chargé sa sœur.

Elle prévoyait que M. de Ferney, en raison même de ce qui venait de se passer, voudrait avancer l’époque de son mariage, et il fallait qu’elle pût présenter à l’officier de l’étal civil des papiers, quels qu’ils fussent : un acte de naissance ou la preuve de son admission aux Enfants-Trouvés.

Quelques jours plus tard, en effet, le père de Raoul dit à la jeune femme :

— Le moment de tenir ma promesse est arrivé ; fixez vous-même la date de notre mariage.

— Je vous ai supplié, mon ami, répondit l’ex-institutrice, de ne pas m’en parler avant un mois ; nous devons tous deux supporter courageusement cette épreuve. Pensez-vous donc qu’elle me soit moins pénible qu’à vous-même ?

— Soit ! fit M. de Ferney avec résignation ; il faut toujours faire ce que vous voulez.

Il ne croyait pas dire si exactement, si terriblement la vérité !

Mlle Reboul, d’ailleurs, n’attendit pas longtemps des nouvelles de Françoise. Moins d’une semaine après le jour où elle s’était hasardée à l’hôtel de Reims, sa sœur lui faisait parvenir par le père Jean la lettre suivante :


« Tout est arrangé, mais le Pergous ne veut lâcher les papiers que contre finances. Il est venu les apporter lui-même à Paris. Comme, très probablement, tu ne veux pas le recevoir, dis-moi quel jour et à quelle heure tu pourras aller chez lui. Il est descendu à l’hôtel Molière, rue Fontaine-Molière.