Et tournant le dos à son amant, Françoise parut ne plus s’occuper que de l’enfant dont, en causant, elle avait épongé le visage et pansé la blessure.
Tout en consolant le gamin, la sœur de Jeanne ne perdait cependant de l’œil rien de ce qui se passait autour d’elle.
Elle avait parfaitement vu Manouret retenir vivement par le bras Gustave. À la nouvelle du retour probable de l’inconnu qui était venu le demander, il avait fait un mouvement pour gagner la porte.
— Allons, se dit-elle, en voyant Claude entraîner son ami dans un des angles de la salle, Rose ne s’est pas trompée. Que diable lui est ce beau garçon ? Il faudra bien que je le sache un jour ou l’autre !
Manouret rentra au même instant. Le jeune homme n’était plus avec lui.
— Tiens, tu es seul ? lui dit Françoise.
— Oui, répondit-il, Gustave est allé à l’atelier.
— Il avait un air tout drôle.
— Ça se comprend ; maintenant qu’il n’y a plus personne, je puis bien te le dire : tu lui as porté un rude coup en lui apprenant qu’un mouchard était venu demander ici Justin Delon.
— Comment ça ?
— Justin Delon, c’est lui.
— Pas possible ! Eh bien, après ! Est-ce qu’il a quelque chose à craindre de la police ?
— Oh ! pas plus que d’être empoigné. Il est sous la surveillance, et comme on sait probablement qu’il était l’ami de Pianori, son affaire serait bientôt bâclée.
— Tu as de jolies connaissances !
— Justin est un brave et bon républicain ! Il a eu des malheurs, voilà tout !
On sait ce que les gens comme Manouret appellent des « malheurs ».
— Pianori aussi avait eu des malheurs, reprit la fille Moral en haussant les épaules ; il avait tout bonnement été condamné aux galères pour assassinat et incendie, comme quelqu’un que tu te rappelles. Je l’ai lu dans le journal.
— C’était pour politique, comme Justin. Les juges qui l’ont condamné à trois ans de prison savaient bien qu’il n’avait rien volé chez Mme de Serville et qu’il ne s’était introduit dans le château que pour aller trouver sa maîtresse ; mais il avait été compromis dans les affaires de Reims et on a profité de ce qu’on le tenait.
À ces détails donnés par Claude sur son ami, Françoise avait étouffé un cri de surprise.
Sans rien connaître du rôle odieux que sa sœur avait joué dans toute cette