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— Oui, tu ne peux guère t’en servir. Rose-Jeanne Méral, ça n’irait pas !

— D’autant plus que M. de… que mon futur mari…

— Ah ! c’est un noble, et tu tiens à ne pas le nommer. Tu te méfies de moi ? Ça n’est pas bien, Jeanne, tu as tort.

— Non, ma bonne Françoise, non, je ne crains rien de toi, mais je crains ton entourage. Une indiscrétion est bientôt commise. D’ailleurs, que te fait son nom ?

— Rien, ma foi ! D’autant plus, disais-tu, que M. de…

— Que si ce nom de Méral ne rappelait à mon… ami aucun souvenir, et il est dans une situation qui lui permet plus qu’à tout autre de savoir, il ne manquerait pas de se demander pourquoi je suis aujourd’hui Mlle Reboul.

— Tu penses à tout. Comment faire ?

Jeanne, qui ne savait pas plus que sa sœur quel moyen elle pouvait employer pour sortir d’embarras, réfléchit un instant, puis elle dit tout à coup :

— Il faudrait trouver là-bas, dans notre pays, un homme habile qui me tirerait d’affaire en me procurant un acte de naissance au nom de Jeanne Reboul. Oh ! je le paierai bien. Ainsi qu’à toi, je lui donnerai cinq mille francs.

— Peste ! tu as la bourse bien garnie ! répondit la fille du décapité en souriant. Dame ! tout cela ne me paraît pas facile. Où ça se fabrique-t-il les actes de naissance, les vrais ?

— Dans les mairies.

— Et les faux ?

— Partout ailleurs. Si je connaissais quelqu’un à Paris, ce ne serait certes pas bien difficile, mais depuis plus d’un an que j’y demeure, je ne suis pas sortie deux fois seule.

— Ah ! je crois que j’ai ton affaire ! Du moins je crois que je tiens quelqu’un capable de nous donner un bon conseil.

— Qui est-ce ?

— Un malin, un ancien-avoué de chez nous qui a eu, je crois, des malheurs, mais qui est fort aimable.

— Comment connais-tu un avoué ?

— Ça, c’est mon secret. Du reste, c’était avant Manouret.

— Où demeure-t-il ?

— Voilà le plus ennuyeux ; il habite Reims. Quand je l’ai connu, j’avais dix-sept ans et, ne t’en déplaise, ma petite Rose, j’étais presque aussi jolie que toi. Je l’ai justement rencontré deux ou trois jours avant de partir pour Paris. S’il n’est pas mort, c’est l’homme qu’il nous faut.

— Il s’appelle ?

— Marius Pergous.

— Eh bien ! va à Reims et dis-lui ce dont il s’agit. Seulement, de la prudence ; ne te livre pas avant d’être sûre de lui.